Le Rwanda « devrait cesser tout soutien au M23 » et « retirer » ses troupes de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a exhorté l’émissaire américain pour l’Afrique, Massad Boulos, jeudi 17 avril lors d’un point presse, après avoir rencontré en début de semaine les présidents congolais et rwandais. Le 8 avril, alors qu’il était en visite à Kigali, Massad Boulos avait botté en touche alors que la même question sur la position des Etats-Unis dans ce conflit lui avait été posée. « Nous ne sommes pas impliqués dans ces détails », avait estimé l’envoyé américain lors d’une conférence de presse.
L’est de la RDC, riche en ressources et frontalière du Rwanda, est en proie à des conflits depuis trente ans. Les violences qui ravagent cette région impliquent de nombreux groupes armés ainsi que certains pays voisins défendant leurs propres intérêts, notamment économiques. Le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, a lancé en décembre 2024 une offensive éclair dans l’est de la RDC, qui lui a permis de s’emparer, en janvier et février, de Goma et de Bukavu, capitales respectives du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Les dernières violences ont fait des milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais.
« La position des Etats-Unis est que le M23 [doit] dépose[r] les armes », a plaidé l’émissaire américain. Le groupe armé antigouvernemental affirme défendre les intérêts des populations tutsi de l’est de la RDC. Mais ses combattants sont pilotés par l’armée rwandaise, selon des experts de l’ONU. Mi-mars, l’Union européenne (UE) a sanctionné des chefs militaires rwandais pour leur rôle dans le conflit en RDC. Les Etats-Unis « envisageront tous les moyens économiques et diplomatiques pour promouvoir la paix », a affirmé Massad Boulos, sans donner plus de détails : « Le conflit dure depuis trop longtemps, plus de trente ans. Il est temps d’y mettre fin. »
Intervention surprise du Qatar
Le Rwanda n’a jamais explicitement reconnu sa présence sur le sol congolais, quand l’ONU estime que 4 000 de ses soldats appuient le M23. Kigali admet toutefois des préoccupations sécuritaires le long de sa frontière avec la RDC et réclame notamment l’éradication des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), fondées par d’anciens Hutu rwandais responsables du génocide des Tutsi en 1994. Massad Boulos a déclaré avoir « discuté des FDLR » avec le président rwandais, Paul Kagame, car c’est un « élément-clé » pour Kigali.
Les appels répétés de la communauté internationale pour le retrait du M23 et des troupes rwandaises sont pour le moment restés lettres mortes. Les tentatives diplomatiques pour résoudre la crise, notamment une médiation menée par l’Angola, ont toutes échoué, jusqu’à l’intervention surprise du Qatar, en mars, qui a réussi à réunir les présidents congolais et rwandais à Doha. Les deux chefs d’Etat, qui ont répondu à l’invitation de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani, ont évoqué un cessez-le-feu. Le lendemain, le M23 faisait toutefois la conquête d’une nouvelle localité, Walikale, dans une zone riche en or et en étain.
En avril, le président togolais, Faure Gnassingbé, a accepté d’être le nouveau médiateur de l’Union africaine (UA) dans le conflit dans l’est de la RDC. L’organisation continentale a été l’objet de nombreuses critiques pour ne pas avoir nommément accusé le Rwanda de soutenir le M23.