« Soigner, c’est résister. » L’affiche de la série de Thomas Lilti donne le ton : malgré sa concision, cette saison d’Hippocrate compte double, en intensité comme dans son propos, résolument militant. Quatre ans séparent pourtant la troisième saison de la précédente, qui s’était achevée sur les premiers soubresauts de l’épidémie de Covid-19 au sein de l’hôpital Raymond-Poincaré, déjà fragilisé par le manque de moyens et par le suicide d’un jeune interne, Igor. La troisième saison opère le choix radical d’escamoter la pandémie, pour mieux en analyser les conséquences sur un système hospitalier exsangue. Le constat, imparable, est dressé en six épisodes écrits à l’os et d’une violence parfois suffocante.
L’action débute hors les murs, alors qu’Alyson (Alice Belaïdi) pénètre dans un quartier sensible pour soigner un jeune homme victime d’une intoxication médicamenteuse. Cernée d’hommes en colère, la jeune médecin fait de son mieux pour ne pas craquer en attendant le renfort d’Hugo (Zacharie Chasseriaud) et d’Arben (Karim Leklou), qui a fait des pieds et des mains pour sortir de l’hôpital une structure mobile d’urgence et de réanimation, malgré les restrictions.
Des restrictions qui font, entre autres, que les urgences de Poincaré ferment chaque soir à 20 heures. Resserrés sur quelques jours, les six épisodes de la saison font le récit minuté – on n’est parfois pas loin de 24 heures chrono niveau tension – de journées qui consistent, pour les médecins, à trier, orienter, refuser, soigner à la chaîne puis faire sortir le plus vite possible des malades dont le déferlement aux urgences semble hors de contrôle.
Médecine à deux vitesses
Portrait de médecins en saisons 1 et 2, Hippocrate se mue ici en une pure série médicale, et ce choix balaie toute vie privée pour ses personnages. A part un suivi des problèmes cardiaques de Chloé (Louise Bourgoin), qui exerce désormais avec un bras en attelle, et un nouveau petit ami ophtalmo (et bien falot) pour Alyson, on ne saura rien de ce que traversent les personnages, une fois leur blouse retirée. Ils ont d’ailleurs de moins en moins l’occasion de l’ôter, car, passé 20 heures, Chloé et ceux qui veulent bien lui donner un coup de main se retrouvent à l’hôpital California, une aile désaffectée dans laquelle ils dissimulent les malades que le service a voulu renvoyer chez eux.
L’hôpital « Calif’ » est en quelque sorte l’acte de naissance d’une médecine à deux vitesses, où la bonne volonté et le sens du devoir font parfois la différence entre être soigné et ne pas l’être. Y sont pris en charge ceux que le système ne peut plus absorber, au risque, bien évidemment, qu’un pépin ne survienne, mais aussi que ne se creuse le fossé entre la vieille garde, droite dans ses bottes, et une jeune génération idéaliste mais dépassée par les événements. Peut-être faute de temps, la série force un peu le trait dans sa façon d’opposer les deux camps, les « bed planners » qui font de la « médecine fast » et ceux qui se soucient du patient. Le dénouement s’en ressent légèrement, l’écriture se fait plus solennelle et les personnages sont moins convaincants, sans qu’on ait pour autant envie que ça s’arrête.
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