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Mardi 10 septembre, des enseignantes et enseignants manifestent pour protester contre la généralisation à tous les niveaux des évaluations en école primaire, sur fond d’un mécontentement plus large, soulignant la nécessité d’une amélioration significative des conditions de travail et les dérives de la politique éducative menée depuis plusieurs années.
Les derniers mois ont été marqués par une succession de ministres et, surtout, de réformes ayant presque toutes en commun une mise en place dans la précipitation, sans réelle concertation, et une absence de financement dédié à la hauteur du besoin créé.
Nombre d’entre elles, comme la réforme du brevet des collèges, la labellisation des manuels scolaires, ou la réforme de la formation des enseignants, sont gelées en cette rentrée. D’autres se déploient dans le plus grand des désordres, à l’instar des groupes dits « de besoins » : alors que toute la communauté éducative alerte depuis des mois sur le risque d’un tri arbitraire des élèves au détriment de la mixité scolaire et de la prise en compte de la progression de chaque enfant, sa mise en œuvre s’avère de surcroît complexe. Faute de nombre d’heures nécessaires, il faut renoncer ici aux dédoublements des classes en langues vivantes, là aux travaux pratiques scientifiques…
Dans ce tournis de mesures, un fil rouge se dessine : celui d’une mise en concurrence d’inspiration libérale, entre public et privé, entre établissements, entre élèves, entre collègues, qui renforce le risque d’une école à deux vitesses.
Incantations républicaines vidées de leur sens profond
Cette ligne politique s’inscrit dans le sillage de la politique lancée depuis 2017 par Emmanuel Macron pour l’école : la mise en place de Parcoursup, la réforme du baccalauréat, génératrice d’inégalités territoriales et entre établissements, sans oublier l’expérimentation « L’école du futur » et son extension au niveau national, « Notre école, faisons-la ensemble », deux variantes d’une même méthode inégalitaire qui vise à faire reposer l’attribution de moyens aux établissements scolaires sur la base d’appels à projet.
Ne nous y trompons pas, malgré certains discours, il n’est pas question ici d’un retour aux fondamentaux. C’est, au contraire, un virage libéral qui se cache derrière des incantations républicaines vidées de leur sens profond : mesures non financées, organisation floue, mépris du corps enseignant, conditions de travail dégradées, dispositifs chers et inutiles… Il est plus qu’urgent de revenir à la vision historique incarnée par notre école de la République, loin d’initiatives de façade coûteuses, comme l’expérimentation de l’uniforme.
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