Il ne sert à rien de ressasser que « le racisme est un délit » si on ne se donne pas les moyens de le poursuivre et de le condamner comme tel. Pour cela, il faut arrêter de traiter les infractions racistes et antisémites comme des délits d’opinion relevant de la loi sur la presse, et les réintégrer dans le code pénal, comme l’a proposé la ministre [chargée de la lutte contre les discriminations] Aurore Bergé, lundi 28 avril, à l’issue des Assises de la lutte contre l’antisémitisme.
Car, contrairement à ce qu’ont écrit quatre de mes éminents confrères dans une tribune au Monde publiée le 3 mai, le problème en la matière est bien celui de la loi du 29 juillet 1881. D’abord parce que cette loi, voulue par Jules Ferry à la fin du XIXe siècle, était destinée à protéger la presse de la censure, pas à lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Ensuite parce qu’elle est totalement inadaptée aux nouveaux modes de communication, à leur rapidité et à leur multiplication. Enfin parce qu’elle est devenue, au fil du temps, une entrave à la réponse qu’appelle la gravité des délits qu’elle est censée réprimer.
L’argument développé par mes confrères, selon lequel il faudrait, pour juger ces délits, des magistrats « rompus à l’art de juger les mots », sachant « débusquer les sous-textes et les signaux cachés, car la frontière entre les deux n’est pas toujours aisée à tracer », prêterait à sourire si l’affaire n’était si grave. Point n’est besoin d’avoir recours à des juridictions spécialisées pour juger les salauds qui hurlent : « Mort aux Noirs, aux Juifs et aux Arabes », propagent la haine raciale et constituent le gros des dossiers.
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