La culture n’est pas un luxe. C’est un choix de société, un choix de civilisation. Ce n’est pas un ornement, mais le fondement même de ce qui fait société. Dans un monde instable, confronté aux replis identitaires, à l’effritement des repères, aux tensions géopolitiques et aux logiques marchandes globalisées, à une digitalisation débridée menée par des acteurs surpuissants, la France a une responsabilité singulière.
Elle ne peut pas simplement s’adapter à la mondialisation culturelle. Elle doit continuer d’affirmer un modèle original, profondément politique, qui conjugue excellence artistique, enracinement territorial et ouverture universelle.
André Malraux avait lancé [au début des années 1960] l’idée visionnaire des Maisons de la culture, pensées non comme des temples réservés à une élite, mais comme des lieux d’émancipation populaire, capables d’éveiller l’imaginaire dans toutes les régions de France. Jean Vilar affirmait qu’il fallait aller là où sont les gens, non pour leur apporter un art condescendant, mais pour leur tendre un miroir. Jack Lang, enfin, a donné à la culture une dimension joyeusement démocratique, assumant l’alliance entre exigence et accessibilité.
Epouser la diversité
Mais, pour que cette ambition demeure vivante, il faut aujourd’hui redonner toute sa force à la décentralisation culturelle. Ce n’est pas une question technique ou budgétaire. C’est un enjeu démocratique. Il s’agit de reconnaître que la culture ne peut plus être pensée depuis un centre unique, ni imposée uniformément. Elle doit épouser les formes, les voix, les histoires, les rythmes des territoires et des habitants dans leur diversité culturelle.
Ce qui fait la richesse de la France, c’est précisément cette diversité géographique et humaine, cette mosaïque de paysages, de traditions, de transformations, d’accents. Il faut cesser de plaquer des modèles venus d’en haut et faire confiance aux territoires.
Cela suppose un changement de paradigme. Les régions, départements, intercommunalités et villes doivent pouvoir porter des politiques culturelles ambitieuses, contextualisées et audacieuses. L’Etat doit rester garant d’un cadre national, mais il ne peut plus être prescripteur centralisé. Il doit soutenir sans contraindre, orienter sans imposer. La République des territoires ne peut exister sans une République de la culture.
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