« Il faut faire du volume si on veut survivre » : la liquidation de Brandt signe-t-elle la fin de l’électroménager français ?

• Le dernier fleuron de l’électroménager français, Brandt, va cesser son activité.
• Un coup de massue pour les 700 salariés du groupe, qui recevront leur lettre de licenciement dans 21 jours.
• Mais, comment ce secteur a-t-il pu disparaître en 30 ans ?

Toute une carrière, une vie professionnelle qui finit dans des sacs. L’aventure Brandt se termine aujourd’hui. « J’aurais bien aimé finir ma carrière ici, mais je la finirai ailleurs », soupire un salarié dans la vidéo ci-dessous. « On vide nos affaires. Trente-cinq ans », ajoute sa collègue. Le tribunal de commerce a rejeté la proposition de reprise par les salariés, pas assez viable selon lui. 

Les élus locaux, en colère, disent ne pas comprendre cette décision, trop précipitée selon eux. « On a eu entre le 27 novembre et le 3 décembre pour trouver une solution. Mais ce qui est pire, c’est qu’on nous a tenus à l’écart de tout ce qui se passait dans la coulisse. Parce que nous, on ne compte pas. Sauf qu’avec la région, on amenait 15 millions d’euros. Tout le monde s’assoit dessus », déplore Serge Grouard, le maire d’Orléans. 

Vous avez Sharp qui est fabriqué en Turquie. Vous avez Bosch, ce sont des allemands. Et puis Haier, c’est un asiatique.

Stéphane Delaroche, gérant d’un magasin Pulsat

Le groupe d’électroménager détenait non seulement la marque du même nom, mais aussi Sauter, De Dietrich et Vedette. Au total, près de 700 salariés, répartis sur quatre communes. À Vendôme, dans le Loir-et-Cher, ce jeudi matin, lors de l’annonce de la liquidation, tout le monde était abasourdi. « Ça fait mal. Pour moi, c’était ma vie. J’ai commencé ici à 19 ans. C’est dur. Très dur », se lamente l’un d’eux. Les salariés recevront leurs lettres de licenciement dans 21 jours, juste avant Noël. Ce qui marquera définitivement la fin du dernier fleuron français de l’électroménager. 

Ce que confirme Stéphane Delaroche, gérant d’un magasin Pulsat. Il n’a plus sur son dépliant un seul produit fabriqué en France. « On a Whirlpool qui a été récemment racheté par Beko, qui est turc historiquement. Vous avez Sharp qui est aussi fabriqué en Turquie. Vous avez Bosch, ce sont des Allemands. Et puis Haier, c’est un Asiatique », énumère-t-il dans le reportage en tête de cet article. Pourtant, le macaron « made in France », sur un four ou sur une plaque de cuisson, c’était un argument de vente efficace. « On a une clientèle un peu rurale. Je reconnais qu’on me proposait toujours ces produits-là », poursuit le gérant.

Mais aujourd’hui, ces marques ont fermé les unes après les autres leurs usines en France. Electrolux dans les Ardennes en 2012, Whirlpool à Amiens en 2018 et Brandt entre 2019 et aujourd’hui. Une production délocalisée ces 20 dernières années en Chine pour les frigos, en Turquie pour la cuisson, en Pologne et en Slovénie pour les lave-linges et les lave-vaisselles. 

Une main d’œuvre moins chère

Des pays où les coûts de production et de main-d’œuvre sont moins chers, ce qui leur permet de casser les prix sur nos marchés. Pour trois fours à chaleur tournante, le français coûte presque 700 euros, le polonais deux fois moins cher et le chinois, certes moins sophistiqué, plus de trois fois moins cher. C’est aussi le résultat de 20 ans d’investissement massif dans des outils de production gigantesques. « C’est un marché où il y a peu de marge, où il faut faire du volume si on veut survivre. Et pour faire du volume, il faut être gros. Il faut vendre beaucoup, il faut vendre plus que les autres. Brandt, ça exporte quand même, mais effectivement, par rapport à des géants chinois de l’électroménager, c’est rien du tout en fait », explique Olivia Pierre-Subran, directrice marketing chez Olix. 

Face au mastodonte chinois, le ministre de l’Industrie, Sébastien Martin, en appelle donc à l’Europe pour mieux protéger notre marché commun. « La Chine nous agresse fortement. Et donc il est temps, et c’est la voie que porte la France, de dire qu’il faut de la préférence européenne, qu’il faut faire le choix de l’Europe et de la France au niveau européen pour protéger nos usines (…) en mettant des règles d’accès au marché européen », affirme-t-il. Instaurer des normes sur les produits ? Imposer des taxes à l’importation ? Encore faudra-t-il se mettre d’accord à 27.