Airbus vient d’annoncer un retard de cinq ans à dix ans pour les essais de son premier avion à hydrogène. Ce n’est pas exactement une surprise quand on lit le livre collectif dirigé par Nathalie Kroichvili et Nicolas Simoncini, L’Hydrogène par les sciences humaines et sociales (Université de technologie de Belfort-Montbéliard, 304 pages, 19 euros). Comme le relate Clair Juilliet dans un des chapitres, cela fait plus de cinquante ans que des projets d’avions à hydrogène sont annoncés, retardés puis abandonnés.
En 1974, dans le sillage du choc pétrolier, le prix du kérosène augmente soudainement, représentant jusqu’à 40 % des frais des compagnies aériennes. L’entreprise Lockheed lance alors un projet d’avion à hydrogène. Les ingénieurs se heurtent aux difficultés intrinsèques à l’usage de cette molécule. A volume égal, l’hydrogène liquide contient en effet trois fois moins d’énergie que le kérosène. En outre, comme il est stocké à – 253 °C, il faut limiter les surfaces à isoler, ce qui impose des réservoirs de forme compacte ou cylindrique, ne pouvant pas être logés dans les ailes, comme c’est le cas dans les avions actuels. On imagine placer les réservoirs dans la carlingue centrale et les passagers dans des compartiments sous les ailes, à l’instar de l’avion à hydrogène que le magazine Science & Vie promet pour 1980 sur sa couverture spectaculaire de mars 1974 (n° 678 – « L’Avion à hydrogène : 400 passagers sur 9 000 km vers 1980 »).
Utiliser de l’hydrogène obligeait à repenser l’avion de A à Z et, avec lui, toute l’infrastructure aéroportuaire et toutes les chaînes d’approvisionnement. Un cauchemar d’ingénieur, une aberration économique. Pire que le Concorde. Dans les années 1980, malgré le contre-choc pétrolier, le projet d’avion à hydrogène vivote. En 1988, un Tupolev 155 vole une vingtaine de minutes avec un de ses trois réacteurs alimenté à l’hydrogène. L’ingénieur soviétique Alexeï Tupolev (1925-2001) invoque déjà le basculement écolo de l’aviation grâce à l’hydrogène : « Si auparavant la priorité était la vitesse, les visions ont beaucoup changé. Le plus important maintenant, c’est de ne pas nuire à l’environnement et d’obtenir une atmosphère propre. »
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