Le défaut de gouvernement, jusqu’à la nomination de Michel Barnier le 5 septembre, a plongé le pays dans une incertitude inédite au moment où la situation budgétaire exige une stratégie claire et soutenable. Nos finances publiques affichent un déficit budgétaire très au-delà des règles européennes : 5,5 % du produit intérieur brut (PIB), au lieu de 3 %. De ce fait, le 26 juillet, la Commission européenne a lancé une procédure de déficit excessif contre la France, ce qui l’engage à réduire son déficit hors charges d’intérêt d’au moins 0,5 point de PIB par an. Cela revient à demander aux citoyens français un effort de 10 milliards d’euros par an : soit 10 milliards de recettes en plus, soit 10 milliards de dépenses en moins, ou toute combinaison intermédiaire.
Le parti présidentiel opte clairement pour la seconde option, dans la continuité de la stratégie économique menée depuis 2017 : les prélèvements obligatoires étant jugés trop élevés, il propose de réduire les dépenses sociales, comme en témoignent les « lettres plafonds » qui prévoient, par exemple, une coupe de 2,9 milliards d’euros au ministère du travail, de la santé et des solidarités.
Au contraire, le Nouveau Front populaire (NFP) s’engage à rompre avec cette logique en optant pour la première option. La hausse des recettes doit servir non seulement à réduire le déficit, mais aussi, dans une plus grande mesure, à financer des dépenses publiques supplémentaires. Mais est-ce bien raisonnable ? Oui, si les recettes sont prélevées sur des ressources qui profitent le moins au circuit économique. Plusieurs pistes émergent des travaux d’évaluation menés par des organismes indépendants sur différents dispositifs fiscaux.
Impôt sur le patrimoine financier
Le crédit impôt recherche, qui réduit les recettes fiscales prélevées sur les entreprises de 7 milliards d’euros par an, a eu des effets positifs sur une partie des PME, mais non significatifs sur les grandes entreprises, qui concentrent pourtant l’essentiel de la créance totale (« Avis de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation », France Stratégie, juin 2021) ; il est donc raisonnable de repenser l’allocation de ces crédits d’impôts.
De même, une partie des exonérations de cotisations sociales concerne l’emploi qualifié, alors que le coût du travail n’est pas un facteur déterminant pour cette catégorie de postes (« Mission sur l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité », Antoine Bozio et Etienne Wasmer, France Stratégie, mai 2024). Cela représente un manque à gagner d’au moins 7 milliards par an, qu’il est raisonnable de remettre dans les caisses d’assurances sociales. Une partie des multinationales optimisent leur fiscalité en transférant artificiellement des profits dans des juridictions clémentes. Le manque à gagner est de 8 milliards d’euros par rapport à une situation où elles seraient taxées sur la réalité de leur activité en France (« Formulary Apportionment in BEFIT », Miroslav Palansky et Alison Schultz, Tax Justice Network, février 2024).
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