- Marie-Jo, 82 ans, est partie rejoindre en Côte d’Ivoire un homme de 28 ans dont elle est tombée amoureuse.
- Xavier, son fils unique, affirme que sa mère, est victime d’une arnaque aux sentiments.
- En plein désarroi, il se confie au micro de « Sept à Huit » sur TF1 sur son combat pour tenter de convaincre sa mère de revenir en France.
- Cette dernière a reçu notre équipe dans un petit village à une heure de route d’Abidjan.
C’est un homme impuissant et démuni que l’équipe de « Sept à Huit »
rencontre chez lui, auprès de sa fille. Xavier, fils unique de Marie-Jo, est persuadé que sa mère est sous l’emprise d’un brouteur, soit un cyberescroc qui utilise l’arnaque aux sentiments pour extorquer de l’argent à sa victime. Tombée amoureuse d’un jeune homme ivoirien de 28 ans qui s’est d’abord fait passer pour un présentateur de la télévision, la dame de 82 ans s’est envolée en septembre dernier pour Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour le rejoindre.
Il y a neuf mois, Xavier et sa fille Charlène étaient encore très proches de leur mère et grand-mère, veuve depuis deux ans. Au micro de TF1, Xavier, très ému, décrit une relation « fusionnelle »
. « Je ne dors pas. Je ne serai plus jamais le même »
, affirme-t-il dans un sanglot.
Elle croyait dialoguer avec un présentateur de télévision
Tout a basculé en juin 2024. En lui rendant visite à Rouen, où elle vivait, Xavier a remarqué que sa mère était tout le temps sur sa tablette. « Ça a commencé sur Facebook. Elle croyait dialoguer avec Frédéric Lopez, un animateur télé »,
se souvient Xavier. Se faire passer pour une célébrité est en effet l’une des techniques des brouteurs. Méfiante, Marie-Jo a d’abord voulu couper le contact. L’homme, qui se trouvait à Abidjan, lui a ensuite avoué ne pas être le présentateur de « Un dimanche à la campagne », mais a proposé à la mère de Xavier de continuer de dialoguer, malgré tout. Proposition que Marie-Jo a acceptée.
« Ça a fait un grand boum dans ma tête »
, souligne Xavier. L’homme qui échangeait alors avec Marie-Jo s’appelle Christ. Sur les réseaux sociaux, ce jeune Ivoirien dit avoir étudié pour « savoir chercher de l’argent »
. Marie-Jo s’est peu à peu éprise de lui. « Elle me dit :
‘Je suis très heureuse, il m’écrit tous les jours, il m’appelle en visio tous les jours’«
, cite Charlène, sa petite-fille. Ce à quoi elle a rétorqué que sa famille aussi lui écrivait régulièrement. « Oui, mais là, c’est différent »,
aurait répondu Marie-Jo.
Un départ surprise
« Tout s’est effondré le 3 septembre, à 18h30 »
, se remémore Charlène, encore bouleversée par le fait que sa grand-mère ne lui avait alors adressé aucun message lors de la rentrée scolaire de son fils. Marie-Jo, qui n’avait presque jamais pris l’avion et qui a du mal à se déplacer au point d’être détentrice d’une carte pour personne handicapée, était partie en cachette pour Abidjan. « Le soir, elle m’a envoyé une photo, avec le fameux Christ »
, raconte Xavier. « Ne vous inquiétez pas, tout va bien. Je suis heureuse »
, peut-on lire sous les clichés.
Dès leurs premiers échanges, que Xavier a enregistrés, ce dernier sentait sa mère sous étroite surveillance. Elle n’était, d’après lui, jamais seule, Christ répondant parfois à sa place. « Il a bien fallu que je fasse ça parce qu’autrement, vous m’auriez empêchée de le voir »
, se justifie l’octogénaire lors de l’un des appels enregistrés par son fils, au cours duquel elle assurait : « Je ne vous oublie pas, je vais rentrer. »

Marie-Jo n’est pas rentrée pour Noël, ni pour le mariage de sa seconde petite-fille. Xavier a alerté l’ambassade de France en Côte d’Ivoire, qui a convoqué Marie-Jo. Dans un compte-rendu que le fonctionnaire a fait à Charlène au terme de cet entretien, ce dernier a expliqué avoir passé trois messages à Marie-Jo. « Il est hors de question que son intégrité physique soit touchée »
, a-t-il commencé, avant de la déconseiller d’utiliser la « médecine traditionnelle »
et de l’enjoindre d’être « raisonnable dans les dépenses »
. Le fonctionnaire a concédé être « un peu coincé »
, car Marie-Jo est majeure. Et elle ne fait pas l’objet d’une tutelle.
Une autre victime témoigne
Dès le mois d’octobre, Xavier s’est aperçu que sa mère avait débloqué 50.000 euros de son assurance-vie. Depuis, les dépenses s’enchaînent. Chaque début de mois, Marie-Jo reçoit sa retraite, mais elle est retirée dans les vingt-quatre heures, selon Charlène. Marie-Jo a acheté une voiture, une moto et une grande quantité de vêtements pour enfants. En tout, il y en a pour 80.000 euros, d’après Xavier. « L’ambassade nous a dit : ‘
Quand il n’y a plus d’argent, ils nous les déposent devant. Après, on appelle la famille«
, cite Xavier, qui envisage d’aller chercher sa mère à Abidjan. Il ignore toutefois où elle habite.
Il a engagé une avocate, Me Nadège Fusina, qui a déposé deux plaintes pour « disparition inquiétante » et « abus de faiblesse ». Des plaintes qui ont été toutes deux classées sans suite par le parquet de Rouen. Une décision d’autant plus étonnante que Xavier a trouvé une autre dame qui a porté plainte contre le même groupe de brouteurs présumés. Viviane, âgée de 72 ans, est, elle aussi, veuve. Comme Marie-Jo, elle a été contactée en septembre dernier sur Facebook par trois Ivoiriens, qui se sont d’abord fait passer pour des animateurs télé. Parmi eux, figurait Christian, le meilleur ami de Christ. Au total, Viviane, dont le témoignage est à retrouver dans le sujet de Sept à Huit
visible dans la vidéo ci-dessus, lui a versé près de 40.000 euros.
Une assurance-vie débloquée
Dans la maison de Marie-Jo, à Rouen, Xavier et Charlène retrouvent des courriers de la banque. L’un d’eux concerne l’assurance-vie de la dame et signale que sa demande de rachat partiel de 10.020 euros a été acceptée. Ses relevés de compte affichent de leur côté des dizaines de retraits à Abidjan ainsi qu’un grand nombre de virements. En France, en revanche, Marie-Jo ne paye plus ses factures, ni ses impôts.
Marie-Jo n’a pas donné de nouvelles à Xavier depuis des semaines. Elle ne répond jamais au téléphone. « Je suis obligé de passer par lui »
, déplore Xavier. Lors d’une discussion houleuse au téléphone, à laquelle l’équipe de TF1 a assisté, Marie-Jo lui lance : « Tu n’es plus mon fils. » « Je ferai le maximum, tant que je suis en vie, pour te ramener parce que moi, je t’aime »
, lui assure alors son fils, qui admet, face à notre caméra, perdre espoir. « Quand je vous dis que pour moi, c’est foutu… J’ai envie d’y aller. »
« Je vis la vie que j’aime »
L’équipe de Sept à Huit
s’est rendue à Abidjan et est parvenue à remonter la piste de Christ et de Marie-Jo. Cette dernière ne vit pas dans Abidjan-même, mais à une heure de route, dans un village bien plus pauvre. L’octogénaire a reçu notre équipe chez elle, sous la surveillance de plusieurs autres hommes. Dans le logement, la salle de bain et la cuisine sont spartiates. Marie-Jo n’a pas d’eau courante.
C’est pas un brouteur. Ça ne regarde personne, ce que j’ai dépensé
C’est pas un brouteur. Ça ne regarde personne, ce que j’ai dépensé
Marie-Jo
Mais elle assure qu’elle prend bien ses médicaments contre le diabète et l’hypertension. « Il peut voir, mon fils, que je ne suis pas malheureuse »
, glisse-t-elle. Confrontée à ses relevés bancaires et au déblocage de son assurance-vie, Marie-Jo nie. Avant de se contredire, quelques instants plus tard : « Même si mon mari dépensait de l’argent, ça m’est égal. Même s’il en donne à ses frères et que ses frères sont bien plus heureux, tant mieux. C’est pas un brouteur. Ça ne regarde personne, ce que j’ai dépensé. »
Christ dit être menuisier. Mais si on se fie à ses réseaux sociaux, il semble mener une double vie, faite de shopping de luxe et d’escapades dans des hôtels glamour. L’équipe de TF1 a pu le rencontrer dans un restaurant. Interrogé sur les 100.000 euros disparus, selon Xavier, du compte bancaire de Marie-Jo, le jeune ivoirien répond : « C’est un problème à elle avec son fils. »
Avant de garantir : « Marie a toute sa tête. On veut la faire passer pour quelqu’un qui est dérangé, quelqu’un qu’on force à faire des choses. »
De son côté, l’octogénaire promet qu’elle reste en Côte d’Ivoire de son plein gré. « J’ai jamais fait de voyage, j’ai jamais rien fait, je vis la vie que j’aime ».
Selon nos informations, Marie-Jo disposerait encore de substantielles économies. Le quai d’Orsay et le parquet de Rouen refusent de s’exprimer sur cette affaire. Mais depuis notre tournage, le procureur a rouvert l’enquête.