Un Algérien de 28 ans, Hicham Abderraouf, a été condamné, mardi 27 mai, à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir incendié en 2019 l’Isba, un ancien hôtel de la station de montagne de Courchevel (Savoie), faisant deux morts et plusieurs dizaines de blessés.
Le bâtiment visé par les flammes accueillait, depuis 2009, exclusivement des travailleurs saisonniers, sur trois étages. Une cinquantaine d’entre eux y étaient hébergés pour la période touristique de cet hiver 2018-2019, dans 38 chambres recouvertes de lambris et de moquette.
Le feu s’était propagé rapidement, chacun avait tenté de fuir, quelques-uns décidant de sauter par la fenêtre de leur chambre. Mais deux saisonniers ne s’en sortiront pas : Zalhata Ali Bacar, une mère de quatre enfants âgée de 31 ans, d’origine comorienne, et Olivier Van Lerberghe, 49 ans. Quarante-six autres personnes avaient été hospitalisées, certains en gardant aujourd’hui des blessures irréversibles.
Plusieurs passages en voiture
Pendant tout son procès, Hicham Abderraouf a nié devant la cour d’assises de Savoie avoir déclenché le sinistre. « Je n’ai rien à voir, ni de loin, ni de près avec l’incendie. Je ne veux pas servir de pansement, ni être le seul bouc émissaire dans cette affaire », a-t-il déclaré mardi dans une ultime prise de parole. Après sept heures de délibérations, il a été déclaré coupable de cet incendie, mais aussi de détention d’arme et d’évasion avec violence. Les jurés ont retenu la peine de perpétuité requise par l’avocat général, sans période de sûreté toutefois. Le jeune homme, déjà condamné pour trafic de stupéfiants, a accueilli le verdict la tête baissée.
Mardi matin, les deux avocats de la défense s’étaient efforcés de démontrer que la « culpabilité » d’Hicham Abderraouf dans cette affaire avait été « artificiellement construite » à partir d’une « rumeur » lancée par son ex-petite amie. La jeune femme, qui travaillait à l’époque comme saisonnière à Courchevel, habitait dans la résidence détruite par l’incendie et avait immédiatement mis en cause Hicham Abderraouf, avant de se rétracter.
Cette rumeur « se propage très vite » et l’enquête a eu vite fait de se concentrer sur ce « coupable idéal », ont accusé les avocats de la défense. De tous les protagonistes de la soirée, Hicham Abderraouf est le seul qui n’a « pas dévié d’un iota » de sa version originale, a notamment fait valoir Me Ghaïs Bencharif. L’enquête avait toutefois établi qu’il avait effectué plusieurs passages en voiture pendant la nuit devant la résidence, notamment quelques minutes avant l’apparition des premières fumées. Il était également présent à Courchevel lors d’un précédent incident quelques semaines plus tôt lors duquel de l’essence aurait déjà été répandue devant des portes de chambre à l’Isba.
Une évasion en 2021
« Dès les premiers jours, le nom d’Hicham Abderraouf ressort », et l’hypothèse d’un incendie volontaire « avec produits accélérants » est privilégiée, avait expliqué le directeur d’enquête, Yohan Ballesto, au début du procès. Quant au mobile, cela pourrait être que « c’est Hicham Abderraouf qui décide quand une relation se termine et pas l’inverse », avait-il estimé.
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Interpellé et mis en examen deux mois après l’incendie, Hicham Abderraouf avait été libéré début avril 2021 en raison d’un vice de procédure. Après plusieurs péripéties et une évasion en 2021, il avait finalement été rattrapé en janvier 2023 à Malaga, en Espagne.
Les parties civiles seront désormais attentives à un deuxième procès, attendu les 5 et 6 juin devant le tribunal correctionnel d’Albertville, qui visera cette fois le propriétaire de l’immeuble, dont la vétusté contrastait avec les luxueux hôtels de la station. Ce propriétaire, un homme d’affaires bien connu dans la station, devra répondre d’« homicide et blessures involontaires » et « hébergement de travailleurs dans un local non conforme ».