Emmanuel Macron a indiqué mercredi soir que la France devrait augmenter ses dépenses pour ses armées.
Pour les financer, le président de la République a prôné « des réformes, des choix, du courage » plutôt que des hausses d’impôt.
Avec des finances publiques dans le rouge, est-ce vraiment tenable ?
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Réarmer la France, voilà le message à la Nation adressé mercredi soir par le président de la République Emmanuel Macron. Pour y parvenir, le chef de l’État entend augmenter le budget des Armées, actuellement à 2% du PIB.
Comment le financer ? Le gouvernement évoque des investissements privés, par exemple avec l’hypothèse d’un livret d’épargne dédié à la défense. Mais cela ne suffira pas. Un nouvel effort difficile attend les Français, avec « des réformes, des choix, du courage », a laissé entendre le chef de l’État dans son allocution. En somme, sacrifier certaines dépenses, car Emmanuel Macron ne transige pas avec sa promesse depuis son accession à l’Élysée en 2017 : cette hausse devra se faire « sans que les impôts ne soient augmentés ».
Pas de prise en compte dans les engagements envers Bruxelles
L’équation est-elle vraiment tenable, à l’heure où les finances publiques sont déjà dans le rouge (nouvelle fenêtre), et que plusieurs dizaines de milliards d’euros de réduction de la dépense publique sont attendus année après année ? « La France s’est engagée à trouver environ 110 milliards d’euros en cinq ans » pour améliorer ses finances publiques, rappelle auprès de TF1info Éric Heyer, directeur du département Analyse et Prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les efforts supplémentaires liés au budget des armées « ne seront pas pris en compte » dans la trajectoire présentée à Bruxelles, insiste-t-il. « C’est extrêmement important. »
Une bonne nouvelle… même s’il va tout de même falloir trouver l’argent quelque part. Et pas qu’un peu. Dans un entretien accordé au Point (nouvelle fenêtre), le ministre des Armées Sébastien Lecornu a indiqué qu’il faudrait « un peu moins de 100 milliards d’euros de budget annuel » pour « durcir notre modèle d’armée ». Soit près de 50 milliards d’euros à trouver chaque année… en plus des milliards d’économies qu’il convient déjà de réaliser.
Vers un financement par de la dette ?
Pour y parvenir, plusieurs solutions existent. La première ? Financer ces dépenses… par du déficit. Et donc partager le coût avec les générations futures. Le réarmement de la France est réalisé « au nom de la génération de demain, pour la paix », explique Éric Heyer. « Si nous n’investissons pas aujourd’hui dans notre défense, les générations futures risqueront de vivre des périodes de guerre. Il ne serait donc pas anormal que la génération suivante, par le remboursement de cette dette, y participe. »
L’autre piste qui permettrait de ne pas augmenter les impôts serait de financer tout ou partie de l’effort par une baisse de la dépense publique. « Procéder comme cela serait tout de même difficilement explicable », nuance Éric Heyer. « Renforcer nos armées, cela concerne tout le monde, il faudrait donc que chacun y participe. Or, diminuer la dépense publique, c’est pénaliser ceux qui bénéficient de cette dépense. Et les ménages aisés ne bénéficient que très peu de la dépense publique. »
Des dépenses publiques déjà très sollicitées
Le ministre de l’Économie Éric Lombard a d’ores et déjà prévenu que les dépenses sociales – qui comptent pour la moitié des dépenses du pays – devaient être protégées de ces efforts. « L’autre moitié, ce sont des dépenses comme la justice, l’éducation, le logement… », illustre l’économiste. « Il y a aussi les collectivités locales – mais qui utilisent leur budget pour investir, par exemple dans des infrastructures – et l’État. »
De quoi compliquer sérieusement l’équation. « Nous n’allons pas réduire les budgets dans les hôpitaux, dans la justice, dans la police ou dans l’éducation », poursuit Éric Heyer. « Au contraire, il faudrait plutôt réinvestir dans ces domaines. » Difficile dès lors d’imaginer que certains contribuables ne soient jamais mis à contribution. « Exempter les ménages aisés est une hérésie », affirme-t-il. « Le plus crédible est de se répartir l’effort le plus équitablement possible, en y introduisant les générations futures. » Une part d’impôt, donc, et une part de dette.
En outre, une autre option serait de raisonner à l’échelle continentale. « S’il s’agit d’un engagement européen, cela peut se transformer en dette européenne, financée par l’Europe », conclut l’économiste. Il faudrait pour cela trouver des accords entre plusieurs pays. C’est loin d’être chose faite…