Cela s’appelle un état de terreur. Et il se mesure là, dans les yeux, dans les mots, dans les silences des habitants de Kafr Aqab, un quartier situé sur la route entre Jérusalem et Ramallah. Quelques heures plus tôt, ce vendredi 21 novembre, deux Palestiniens de 16 et 18 ans ont été tués au carrefour de plusieurs rues commerçantes par des soldats de la police des frontières, l’équivalent militarisé de la gendarmerie, très active en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Officiellement, les policiers se sont trouvés confrontés à une scène d’émeute, avec des jets de pierres et des tirs de feux d’artifice. La police, soutenue par un sniper positionné dans un immeuble à moitié désaffecté à proximité, a tiré, touchant de quatre à six personnes, selon les sources. Deux d’entre elles sont mortes, l’une après s’être lentement vidée de son sang sur le bitume faute d’autorisation donnée par les soldats pour venir la soigner.
Les Palestiniens ont peur. De l’armée. De la police. Du Shin Bet (le renseignement intérieur). Des colons. Des arrestations. Des interrogatoires. De la prison. Des checkpoints. Des patrouilles. Même de prendre la route entre les différentes villes de Cisjordanie. « Les soldats viennent, ils ferment la rue. Souvent, ils tirent des gaz lacrymogènes, parfois avec leurs armes. Sans raison. Ils nous terrorisent », dit l’employé d’un restaurant en priant de ne donner aucune indication sur son identité, comme la dizaine de commerçants interrogés autour du carrefour de Kafr Aqab où les deux jeunes hommes ont été tués. « Ce qu’ils cherchent, c’est à nous terrifier, et ils y arrivent : j’ai peur », dit un autre, quinquagénaire, en expliquant rêver d’un asile en Espagne. « Ils veulent nous faire partir », affirme un troisième. « Le sang palestinien coule, mais ne vaut rien. Personne ne leur dit d’arrêter », note un quatrième. « Ils n’ont plus de respect pour personne, ni les vieux, ni les enfants, ni les femmes », relève un cinquième, effaré.
Ces mots s’entendent à Ramallah, Bethléem, Sinjil, Naplouse, Tourmous Aya ou Tubas. Dans toute la Cisjordanie en réalité. Car, si l’occupation militaire par Israël est en cours depuis 1967, elle a profondément changé de nature depuis la prise de pouvoir d’une coalition de droite et d’extrême droite, autour du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, à la fin de 2022, selon de nombreuses sources palestiniennes et israéliennes. Le mouvement s’est accentué depuis le 7-Octobre et l’attaque du Hamas en Israël qui a fait 1 200 morts, à l’origine d’une riposte militaire massive en Cisjordanie, en plus de celle qui a provoqué la mort de quelque 70 000 personnes à Gaza.
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