A qui Israël peut-il abandonner les ruines de Gaza, une fois le gros des opérations militaires achevées ? Pour l’armée, l’affaire est entendue depuis janvier. Voilà plus de quatre mois que l’état-major israélien implore le gouvernement, derrière les portes closes, de parachever les efforts de ses troupes. Ces généraux demandent la refondation d’un gouvernement civil palestinien dans l’enclave, qui les déchargerait en partie de la responsabilité d’assurer la survie de deux millions de déplacés. En pure perte. Mercredi 15 mai, le ministre de la défense, Yoav Gallant, a fini par exprimer publiquement cette impatience.
Le général Gallant met au pied du mur son premier ministre et le chef de son parti, le Likoud. Il affirme qu’en refusant de dessiner une issue politique à cette guerre, Benyamin Nétanyahou impose à son pays un choix impossible : accepter que le Hamas reconstitue son règne dans ce qu’il reste de la bande de Gaza ou y refonder un régime militaire israélien. A l’image de celui qui administra l’enclave entre sa conquête, en 1967, et la création de l’Autorité palestinienne (AP), en 1994, à la suite des accords d’Oslo.
« Le “jour d’après le Hamas” ne sera atteint que si des entités palestiniennes prennent le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux, établissant une alternative de gouvernement au pouvoir du Hamas. Il s’agit avant tout d’un intérêt de l’Etat d’Israël », avance le général Gallant, sans aller jusqu’à nommer l’unique alternative possible : l’AP du président Mahmoud Abbas et son parti, le Fatah, que nul élu israélien n’ose plus mentionner comme un partenaire.
« Un régime militaire à Gaza deviendrait le principal effort sécuritaire et militaire de l’Etat d’Israël dans les années à venir, au détriment d’autres domaines. Le prix à payer serait l’effusion de sang et les victimes, ainsi qu’un lourd tribut économique », met en garde le ministre.
Lente conquête de Rafah
M. Gallant déplore que le premier ministre ait repoussé tout débat sur cette dimension politique de la guerre, depuis octobre 2023, ignorant les recommandations initiales de l’état-major. Depuis une semaine, les hauts gradés israéliens passent eux-mêmes ce message, sous le couvert de l’anonymat, à des journalistes israéliens.
Ils font pression sur le premier ministre au moment où les négociations avec le Hamas pour un cessez-le-feu et la libération d’otages sont une nouvelle fois au point mort. Les hauts gradés cherchent à dissiper un mythe, celui d’une « victoire totale », purement militaire, promise par M. Nétanyahou depuis février. Ils entendent aussi empêcher le premier ministre de profiter de la relance d’opérations terrestres dans l’enclave pour repousser encore toute décision.
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