Le réalisateur français a été placé sous le statut de témoin assisté, indique le parquet de Paris ce vendredi soir.
Ses accusatrices avaient pris la parole et porté plainte dans le sillage des accusations de Judith Godrèche.
Retour sur une affaire qui a sans doute porté un coup d’arrêt à la carrière de cette figure du cinéma français.
Jacques Doillon a été placé vendredi soir sous le statut de témoin assisté à l’issue de son interrogatoire par des juges, indique ce vendredi soir le parquet de Paris. Le cinéaste de 80 ans, visé par des accusations de viols, avait été convoqué en vue d’une éventuelle mise en examen. « Nous avons apporté une correspondance, des courriels, qui mettent en lumière les mensonges de la partie civile« , a notamment déclaré à l’AFP son avocate, Me Marie Dosé.
Qui est Jacques Doillon ?
Figure du cinéma d’auteur depuis les années 1970, Jacques Doillon a construit toute sa carrière en marge des grosses productions, se posant en héritier de la Nouvelle vague. Ses intrigues réalistes mettent souvent en scène des personnages d’enfants ou d’adolescents comme dans Un sac de billes, l’adaptation du roman de Joseph Joffo, Le Petit Criminel avec Gérald Thomassin et bien sûr La fille de 15 ans, qui a lancé la carrière de Judith Godrèche.
De 1980 à 1992, il été le compagnon de Jane Birkin, avec laquelle il a eu une fille, la chanteuse Lou Doillon qu’il a dirigée dans Trop (peu) d’amour et Carrément à l’ouest. Nommé deux fois au César de la meilleure réalisation et deux fois à celui de la meilleure adaptation, il n’a presque jamais cessé de tourner. Avant CE2, dont la sortie a été annulée suite à l’affaire Godrèche, il avait été en compétition à Cannes en 2017 avec Rodin, un biopic du célèbre sculpteur interprété par Vincent Lindon.
Comment l’affaire a-t-elle débuté ?
Le 8 février dernier, Judith Godrèche est invitée sur France Inter pour évoquer la plainte pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans » qu’elle vient de déposer contre le réalisateur Benoît Jacquot. Au cours de l’entretien, elle met également en cause Jacques Doillon, dénonçant des faits survenus sur le tournage de La fille de 15 ans, sorti en 1989.
Elle relate notamment le tournage d’une scène d’intimité, tournée avec Jacques Doillon en présence de Jane Birkin, qui était alors la compagne du réalisateur. « Tout d’un coup, il décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi« , raconte-t-elle. « J’enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote, me roule des pelles« . À la question de savoir si le cinéaste avait « abusé » d’elle, elle se contente d’acquiescer.
Quelques heures plus tard, l’AFP révèle que l’enquête confiée par le parquet de Paris à la Brigade des mineurs après la plainte de Judith Godrèche contre Benoît Jacquot concerne également Jacques Doillon. Dans un article publié le même jour par Le Monde , Jacques Doillon est également mis en cause par les actrices Isild Le Besco et Anna Mouglalis. La première assure avoir été évincée d’un tournage après avoir « refusé de coucher avec lui » et la seconde dit avoir été « embrassée de force » avant de le repousser.
Que dit le cinéaste pour se défendre ?
Dans une première déclaration à l’AFP suite à l’article du Monde, Jacques Doillon nie en bloc. « Que Judith Godrèche et d’autres femmes à travers elles aient à cœur de dénoncer un système, une époque, une société, est courageux, louable et nécessaire« , écrit-il. « Mais la justesse de la cause n’autorise pas les dénonciations arbitraires, les fausses accusations et les mensonges« , explique cet héritier proclamé de la Nouvelle Vague.
Début avril, le cinéaste se défend dans les colonnes du Parisien . « Je n’ai jamais eu de rapport intime avec Judith Godrèche« , assure-t-il. « Je n’ai jamais promis de rôle à quiconque ni profité de ma position de réalisateur pour obtenir des faveurs sexuelles. En 35 films, il m’est arrivé une ou deux fois d’avoir des idylles avec des comédiennes, mais je n’ai pas été un harceleur« .
Quelles conséquences pour sa carrière ?
Au moment où l’affaire a éclaté, Jacques Doillon s’apprêtait à faire son retour dans les salles avec CE2, un film consacré au harcèlement scolaire. Après avoir maintenu la sortie, la société de production Arena Films décide de faire machine arrière face aux menaces de boycott de plusieurs salles d’art et essai à travers la France. D’autant plus que la comédienne Nora Hamzawi, qui tient l’un des rôles principaux, s’est désolidarisée du long-métrage. Depuis, le film a disparu du calendrier des sorties ciné et la perspective de le revoir sur un plateau de cinéma paraît bien compromise.
Après s’être défendu à plusieurs reprises par médias interposés, le septuagénaire a décidé de riposter sur le terrain judiciaire en portant plainte pour diffamation contre Judith Godrèche. Cette dernière a révélé sa mise en examen le 20 novembre dernier. Non pas en raison de son interview sur France Inter, mais d’un post Instagram, fin février, dans lequel elle laissait entendre qu’il avait couché avec des mineurs qui tournaient dans ses films.