- Pour son couronnement en 2019 à Berne, Jonas 1ᵉʳ s’est offert le service d’acteurs.
- Mais le roi de Suisse autoproclamé n’en prend pas moins son rôle au sérieux.
- Une équipe du JT de TF1 a rencontré ce drôle de monarque, inconnu de ses sujets.
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Le 20H
Historiquement, la Suisse fait partie des rares pays européens à n’avoir jamais eu de roi, lui ayant toujours préféré le système de la Confédération, basé sur l’autorité et la collaboration des cantons. Alors, en 2019, le monarchiste Jonas Lauwiner en a profité pour se faire monarque, au mépris des lois de la République fédérale. Ce cadre de l’industrie pharmaceutique, alors âgé de 23 ans, a personnellement loué l’église de Nydegg, à Berne, et engagé des comédiens pour mettre en scène un fastueux couronnement, lors duquel il arborait l’uniforme d’un dictateur sud-américain. Du reste, l’autoproclamé Jonas 1er ne s’est pas arrêté en si bon chemin, comme le montre le reportage du JT de 20H de TF1, visible dans la vidéo en tête de cet article.
On y découvre la légion levée depuis par le souverain : une quinzaine d’amis vêtus en soldats pour effectuer, deux à trois fois par mois, des exercices militaires dans leur quartier général. Le roi a même investi de sa poche pour s’offrir un véhicule blindé allemand, pourtant interdit de circulation dans son canton de Berne. L’essentiel, pour lui, est ailleurs : « Il est préférable d’être un guerrier dans son jardin plutôt qu’un jardinier en guerre
, philosophe le commandant suprême de ces forces armées. C’est très important pour moi de pouvoir vivre sur mon terrain comme je l’entends, et non pas comme je le devrais. La liberté, c’est ça la Suisse ! »
Pour assoir son nouveau rang, le monarque a aussi fait battre monnaie à son effigie.
Ce n’est pas tout : fasciné par la conquête, comme nombre de monarchistes, Jonas 1er a acquis, ces dernières années, quelque 150 parcelles sans propriétaire à travers le pays, mais aussi trois dépendances en Ukraine, pour se constituer son propre empire. Des acquisitions gratuites pour la plupart, la loi suisse ne donnant pas automatiquement à l’État les terres d’un défunt sans héritier, mais qui ont nécessité le concours d’une cohorte d’experts en immobilier pour les localiser. « C’est facile, je dis que maintenant c’est à moi, mais tout est légal, je travaille toujours dans le respect de la loi
, insiste le roi. J’ai annexé une partie de la Suisse, si l’on peut dire, mais naturellement au nom de la Suisse. Je ne règne pas, mais je veille à ce que tout s’y passe bien. »

Surtout, le monarque dit rentabiliser les 11,41 hectares qu’il possède désormais (l’équivalent de 16 terrains de football) grâce à la location de ses terrains et à un droit de passage aux frontières de son territoire… Du moins, en théorie. Car en pratique, aucun des habitants de cette partie « annexée » interrogés par TF1 n’a jamais entendu parler d’un quelconque roi, ni de son royaume. Un roi sans carrosse, et sans sujets, donc. Ce qui n’est pas aussi original qu’on pourrait le croire.

Au total, le monde compte aujourd’hui quelque 400 micronations (soit 20 fois plus qu’au début du siècle dernier), pour autant de présidents et monarques autoproclamés, dont 150 rien qu’en France, du quartier de Montmartre à la « République du Saugeais », regroupant 11 communes franc-comtoises, en passant par… la ligne d’horizon, elle aussi revendiquée. Bruno Fuligini a recensé ces territoires insolites dans son ouvrage Royaumes d’aventure
(éditions Les Arènes). « Un iceberg, un astéroïde, des mégaoctets du cyberespace… Vraiment, tout est permis pour se trouver un territoire et y construire un État
, indique l’auteur. C’est un peu le nouveau continent. L’enjeu, c’est de trouver un territoire qui n’appartient encore à personne. »