Elles se surnomment « les BGEES », pour « BodyGuard Entre ElleS ».
Une équipe de TF1 a recueilli les témoignages de joggeuses qui, près de Lille, ont mis en place une parade pour se protéger du risque d’agression.
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Le 20H
Pour Gaëlle Appert, chaque foulée est une victoire. La jeune femme court à nouveau. Et c’était impensable il y a quatre ans, après son agression pendant un jogging. Désormais, elle n’ose plus s’aventurer dans des endroits isolés, elle choisit plutôt des lieux de promenade. « C’est apaisant, mais tout en étant sécurisant. Il y a toujours du monde avec des chiens, des joggeurs. Il y a toujours du passage, donc je me sens en sécurité. Et j’aime bien. Ça fait un petit tour qui n’est pas très loin de chez moi et ça me permet quand même de sortir en me sentant bien », raconte-t-elle dans le reportage du 20H de TF1 visible ci-dessus.
On est bien loin de ce 30 mars 2021. Alors qu’elle fait son jogging sur des chemins de campagne, un véhicule la dépasse. Le conducteur l’attend quelques mètres plus loin. « Je me suis retrouvée face à un homme que je ne connaissais pas. Grand, bedonnant, imposant, d’une soixantaine d’années. En fait, il est arrivé devant moi, il m’a bloqué la route. Il m’a pris par le bras et on s’est retrouvés par terre sur le chemin. Je me suis dit : ‘je vais mourir, je vais rester là et il va me tuer' », se souvient-elle.
J’ai malheureusement eu dans une rue une mauvaise rencontre où j’ai été suivie par une voiture.
J’ai malheureusement eu dans une rue une mauvaise rencontre où j’ai été suivie par une voiture.
Anne-Sophie Genouvrier, joggeuse, membre du groupe « Les BGEES »
L’homme agresse sexuellement la coureuse. Il est condamné à quatre ans de prison. Traumatisée, Gaëlle déménage à 500 kilomètres de chez elle. Elle n’est malheureusement pas la seule à s’être retrouvée dans une telle situation. Neuf femmes sur 10 se sentiraient en danger lorsqu’elles courent. Mais comment assurer sa sécurité sans pour autant se priver de jogging ? Près de Lille, plusieurs femmes ont trouvé une solution. Elles partagent entre elles les détails de leur course, via leur smartphone. « Donc là, je leur dis que je pars courir environ 40-45 minutes sur mon tour habituel », explique Anne-Sophie Genouvrier, l’une de ces joggeuses.
Le message est envoyé à un groupe WhatsApp nommé « Les BGEES », pour « BodyGuard Entre ElleS » (comprenez garde du corps). Ce partage des horaires de départ et d’arrivée permet aux coureuses de sortir plus sereinement. « J’ai malheureusement eu dans une rue une mauvaise rencontre où j’ai été suivie par une voiture. Et là, je sais que maintenant, je peux tout de suite alerter », poursuit Anne-Sophie. Au cas où, les autres femmes du groupe sont prêtes à lui venir en aide. Jo Guilmain en fait partie. « On connait son tour habituel, donc on sait exactement où elle se trouve. Et donc dans 40-45 minutes, on vérifie notre téléphone pour voir si elle est rentrée ou pas », dit-elle.
Malgré tout, les joggeuses évitent de courir seules le soir ou dans certains endroits mal éclairés. Et même en zone urbaine, comme en Ile-de-France, certaines préfèrent pratiquer leur sport accompagné. Ainsi, des associations proposent des courses de groupe en ciblant certains secteurs et uniquement la nuit. « Ça fait peur un peu de courir la nuit toute seule sur le canal. En plus de ce côté-là, il n’y a pas beaucoup de gens. Et être en groupe, ça renforce la sécurité. Nous aussi, on peut courir, nous aussi, on peut avoir une place dans la place publique. Que ce soit la nuit, le matin, la journée », assure Emmanuella Nsay, ambassadrice de Sine Qua Non à Pantin.
Ce type d’organisation permet à ces femmes de se réapproprier les rues où elles n’osent plus s’aventurer avec un objectif, pouvoir courir en sécurité, peu importe l’endroit ou l’horaire.