Kadija (les personnes désignées par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom) est de repos ce jour-là, mais elle est venue rendre visite à ses collègues. Dans la galerie marchande du magasin Auchan de Croix-de-Neyrat, quartier populaire du nord de Clermont-Ferrand, elle rigole, discute avec Christophe, employé à l’accueil de l’hypermarché, ou encore avec Dabia Nicolas, élue suppléante CGT, qui saluent des clients avant de retourner travailler. L’ambiance est conviviale. « C’est la marque de fabrique de ce magasin », assure Christophe. « Il y a des vendeurs qui sont là depuis trente ans et les clients sont des fidèles. On se connaît tous », appuie Dabia Nicolas.
Si l’équipe a retrouvé un peu de légèreté, deux jours plus tôt, le 5 novembre, elle est restée sonnée par l’annonce de la fermeture du magasin d’ici à six mois, si aucun repreneur ne se présente. « On savait que les finances n’étaient pas bonnes depuis plus de dix ans. Mais la toiture et une partie du carrelage ont été refaits récemment. Alors on ne s’attendait pas à ça », s’émeut Kadija.
Même son de cloche du côté de Dabia Nicolas, qui s’inquiète pour les près de 200 salariés du magasin. « Il y a des couples qui travaillent ici, des parents seuls… Ça va être dur. Beaucoup ont de l’ancienneté et des avantages qu’ils ne retrouveront pas ailleurs », déplore-t-elle.
Construit en 1972 sous l’enseigne Mammouth, l’hypermarché, passé sous la coupe d’Auchan en 1997, a connu de belles années et entraîné dans son sillage le développement d’une galerie marchande puis d’une zone commerciale alentour et de différents services. Mais la paupérisation du quartier, des problèmes de deal, le manque d’investissement d’Auchan pour rénover les locaux et développer des services commerciaux, puis l’installation d’autres hypermarchés dans les environs ont eu raison de l’âge d’or de cet emblème local qui a perdu près d’un tiers de ses salariés en quinze ans, selon Nicolas Deluzier, délégué syndical CGT.
Crainte d’un effet domino
« Le chiffre d’affaires est correct. Le problème ce sont les locaux, trop grands. Ils auraient pu faire des travaux et réduire la surface de vente au lieu de fermer », regrette l’élu. « C’est un supermarché qu’il fallait faire, pas un hypermarché. C’est essentiellement un magasin de quartier ici, avec un petit panier moyen », renchérit Dabia.
A l’annonce de la fermeture, elle a vu des clients pleurer. « Beaucoup sont des personnes âgées ou sans voiture, qui viennent à pied ou grâce au tram qui les dépose juste devant. Comment vont-ils faire ? », s’interroge Abdelhaq, gardien d’un immeuble du secteur. C’est le cas notamment de Lydia, retraitée, qui habite à trois stations de là. « J’ai le cœur gros. Je viens depuis toujours ici. Lidl est trop loin et on ne trouve pas tout. Je ne sais pas où je vais aller », explique-t-elle. Jessica, 29 ans, et Kevin, 46 ans, non plus. « Pour rejoindre les autres magasins, il faut faire beaucoup de bus. Et les produits sont trop chers. On aime bien ici. C’est le lieu de rencontre du quartier. Quand on vient, on boit un coup dans la galerie même si elle est moins animée qu’avant », racontent-ils.
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