Les cas de malaise, de convulsion, voire de décès après avoir consommé du CBD se multiplient.
Depuis 2021, ce dérivé du cannabis, sans THC, est vendu légalement en France mais des industriels rajoutent de la chimie pour démultiplier ses effets à la demande des clients.
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Le 20H
Il y a un an et demi, Elen a acheté du CBD dans un bureau de tabac pour soulager ses douleurs de dos. Après l’avoir fumée, elle s’est sentie très mal : « Je me lève, pas bien du tout, donc vraiment très mal à la tête, des palpitations, mal à mon bras gauche. J’étais incapable de prendre mon volant, j’avais aucun réflexe, j’étais complètement dans le gaz. Quand j’ai vu mon médecin, il m’a quand même parlé d’urgence vitale, donc ça fait peur et j’ai vraiment cru que j’allais y rester ».
Soupçonnant un AVC, son médecin l’envoie aux urgences. Les analyses poseront un autre diagnostic : c’est ce qu’elle a consommé qu’il a mise dans cet état. Des molécules de synthèse ont été rajoutées au CBD sans indication sur l’emballage : « Nulle part, on voit que c’est de la molécule de synthèse. Nulle part, on voit que c’est de l’artificiel. Donc oui, clairement, il y a un problème de communication sur le produit. Quand vous faites vos courses, vous avez les Nutri-Score. On sait ce qu’on achète, c’est gras, c’est salé, c’est sucré. Là, on ne sait pas ce qu’on achète », déplore Elen.
« On frôle avec la légalité »
Elen n’est pas une victime isolée. Les cas de malaise, de convulsion, voire de décès après avoir consommé du CBD se multiplient. Depuis 2021, ce dérivé du cannabis sans THC est vendu légalement en France. Il suffit d’être majeur pour s’en procurer. Dans une boutique du Maine-et-Loire, on trouve du CBD sous toutes ses formes : des huiles, des tisanes, des sucettes… Le CBD soulage toutes sortes de douleurs et n’est pas addictif mais des industriels rajoutent de la chimie pour démultiplier ses effets à la demande des clients. « Ce qu’ils vont chercher d’abord, c’est les effets. C’est le côté, je veux quelque chose de fort, de puissant », explique John Verger, vendeur à K.O.J. CBD.
L’année dernière, plusieurs molécules de synthèse ont été interdites en France mais dès qu’une formule est bannie, une nouvelle la remplace. Cette course est sans fin. Les molécules deviennent plus complexes et leurs noms incompréhensibles. « Ils en interdisent de plus en plus donc parfois, on frôle avec la légalité. C’est pour ça qu’on essaie de faire super attention à ce qu’on achète et de vérifier les produits », confie le vendeur. Il n’y a aucune contre-indication sur les emballages de produits au CBD, ni d’alerte sur les risques de somnolence au volant, par exemple.
« Un risque de schizophrénie »
Comment savoir quels produits sont dangereux ? D’après des chimistes d’un laboratoire de pointe à Cognac, il y a tellement de molécules de synthèse différentes qu’il leur est impossible de détecter celles qui se trouvent dans la fleur de CBD trafiquée. « Aujourd’hui, cette molécule, c’est ce qu’on appelle un néo-cannabinoïde. C’est une molécule qui a été synthétisée et qui a été rajoutée volontairement à ce produit. Nous, on ne fait pas l’analyse de ces produits-là parce que ses composés peuvent être très variés. Il en sort pratiquement tous les jours et ils ne sont pas aujourd’hui légaux », affirme Philippe Chenevier, président-fondateur de Labexan. Sous l’appellation CBD, des produits stupéfiants sont donc vendus légalement.
D’après le docteur Olivier Phan, toxicologue, ces produits présentent des risques encore plus importants que le cannabis : « Atteinte de la mémoire, de la motivation, voire si ça se prolonge, atteinte du quotient intellectuel et risque de développer une schizophrénie ». Des scientifiques appellent à bannir toutes ces molécules artificielles.
Selon Olivia Doppelt-Azeroual, entrepreneuse, elles nuisent à la filière du CBD. Sa gamme de produits aux vertus apaisantes est naturelle : de l’huile de chanvre, du CBD et rien de plus. « Les cannabinoïdes naturels sont des régulateurs donc à partir du moment où un consommateur va ressentir un effet euphorisant, brutal ou qui n’est pas normal, il peut se poser la question de savoir s’il n’y a que des cannabinoïdes naturels dans les produits », confie-t-elle.
Depuis 2023, la France a interdit 14 molécules synthétiques sans parvenir à mettre fin aux dérives du CBD trafiqué.
