Six Français sur dix consomment régulièrement des compléments alimentaires.
Les sportifs de haut niveau, qui mettent leur corps à rude épreuve, en utilisent aussi, au risque de se retrouver suspendus pour dopage.
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Le 20H
Les footballeurs Mamadou Sakho et Paul Pogba, la tenniswoman Simona Halep, le spécialiste du 110 m haies Dimitri Bascou… Ces sportifs n’ont pas seulement pour point commun d’être de grands champions de leurs disciplines respectives. Tous ont, ces dernières années, été suspendus à l’issue d’un contrôle antidopage positif, avant de plaider la contamination accidentelle à des compliments alimentaires, puis de voir leur sanction réduite en conséquence. Près de la moitié des sportifs de haut niveau en consomment pour lutter contre la fatigue ou pallier certaines carences… Alors que, selon plusieurs études scientifiques, environ 20% des compléments alimentaires vendus dans le monde contiennent des substances interdites.
Mouhamadou Fall, l’un des meilleurs sprinteurs français, a ainsi vu les Jeux olympiques de Paris 2024 lui filer sous le nez : contrôlé positif à un stimulant, il a écopé d’une suspension de neuf mois, le 29 avril, au lieu des deux ans normalement encourus, parce qu’il a lui aussi invoqué la prise d’un complément alimentaire. Ce qui ne suffit pas à le consoler. « Je suis choqué, réagit-il au micro de TF1, dans l’enquête du JT de 20H visible en tête de cet article. Le premier truc qui me vient en tête, honnêtement, c’est que je me suis fait piéger. Derrière, je perds mes contrats, donc je ne peux plus vivre de mon sport. En fait, ta carrière et ton nom sont salis. Tu as l’image d’une personne dopée, d’un tricheur… Sachant que j’ai toujours été clean, j’ai été champion de France sept ans de suite. Je me suis toujours fait contrôler. Il n’y a jamais eu de problème. »
L’athlète a prouvé que la substance interdite retrouvée dans son organisme n’était pas inscrite sur l’étiquette affichant la liste des ingrédients de ce complément alimentaire acheté aux Etats-Unis, où il s’entraîne. Mais les autorités lui reprochent tout de même, au regard de son âge (32 ans) et son expérience, de ne pas avoir été assez vigilant. Surtout, elles ne peuvent que constater la récurrence de cette explication dans la défense des sportifs contrôlés positifs… Lesquels passent, dans l’immense majorité des cas, qu’ils soient français ou étrangers, par un toxicologue de l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine) ayant désormais pignon sur rue, Jean-Claude Alvarez, pour démontrer une contamination involontaire.
Il y a eu des cas avec du dentifrice ou des crèmes pour les lèvres, qui étaient contaminés lors de leur production.
Il y a eu des cas avec du dentifrice ou des crèmes pour les lèvres, qui étaient contaminés lors de leur production.
Le professeur Jean-Claude Alvarez
Le professeur, par ailleurs pharmacologue et expert judiciaire, décrypte ainsi le phénomène auprès de TF1 : « Souvent, ils (les sportifs) ne comprennent pas, ils ne savent même pas le nom de la molécule. Ils se demandent d’où ça vient et affirment n’avoir jamais pris ce produit. Donc ils nous font analyser tout ce qu’ils prennent. Mais même avec une crème de beauté, on ne sait jamais. Il y a eu des cas avec du dentifrice ou des crèmes pour les lèvres, qui étaient contaminés lors de leur production. Le problème, c’est que ce sont des microdoses, des traces infimes. On peut se contaminer en mangeant de la viande ou en embrassant son conjoint. Il va peut-être falloir que les autorités comprennent qu’aujourd’hui, en 2025, il faut changer cette loi, ce code qui dit que le sportif est responsable de tout ce qui rentre dans son organisme. Ce n’est plus possible. »
De son côté, l’Agence mondiale antidopage (AMA) déclare justement travailler sur ces contaminations par contact intime ou par l’alimentation. « On a eu quelques-uns de ces cas, admet le professeur Olivier Rabin, directeur scientifique de l’AMA. Maintenant, il faut aussi voir que certains athlètes et certains avocats qui les défendent ont très bien compris qu’utiliser l’argument de la contamination permettait à certains d’espérer une réduction de sanction, voire une annulation. » Mais alors, pourquoi ne pas différencier le dopage volontaire de la contamination, en fonction de la dose retrouvée dans l’organisme ?
« Parce que si vous trouvez une substance, même à un dosage minime, il est très difficile de faire la différence entre une simple contamination et une fin d’élimination de produits dopants, nous répond Béatrice Bourgeois, présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). On peut avoir des proportions très faibles dans le cadre d’un vrai protocole de dopage, élaboré par microdoses. » En conséquence de quoi, les Agences multiplient les actions de prévention, conseillant aux jeunes sportifs de privilégier les produits portant la norme AFNOR 17444, affichée par les fabricants qui s’engagent à respecter certaines exigences pour que les compléments ne contiennent pas de substances interdites. Aucun d’entre eux, pour l’heure, n’a jamais posé le moindre problème de dopage. Mais, insiste un formateur de l’AFLD, « il y aura toujours une petite part de risque ».