La première fois que je mets les pieds à l’université, j’ai 17 ans. Comme beaucoup d’étudiants en France, j’arrive dans une nouvelle ville, Clermont-Ferrand, et je commence ma vie d’adulte autonome. Mais pour moi le choc est vraiment général : le système de classes, les professeurs, être avec des gens toute la journée. Après avoir fait toute ma scolarité secondaire à domicile, je vis cette nouvelle étape de ma vie comme un basculement total.
J’ai grandi dans un village de Corse-du-Sud assez isolé. Je suis l’aînée d’une fratrie de quatre sœurs. Les écoles sont loin. Ma mère se dit qu’on pourrait essayer l’école à la maison, dont elle a entendu parler. Elle est femme au foyer, tandis que mon père est mécanicien sur des chantiers.
Je suis en CE2, ma sœur en maternelle. Cela dure plusieurs mois, puis on déménage dans la banlieue de Lyon et nos parents nous inscrivent à nouveau à l’école. Je suis frappée par le décalage de niveau par rapport aux autres enfants. En un semestre, ma sœur et moi avons pris de l’avance. Je développe pourtant beaucoup de blocages. Je sociabilise peu, je passe mon temps à lire, mon niveau décline beaucoup, et cela devient une souffrance. Je rentre souvent en pleurant, et ma sœur est dans une situation similaire.
Rapidement, ma mère se rend compte qu’elle peut passer des heures le soir à nous réexpliquer nos cours et à nous mettre en confiance. Cette période coïncide pour nous avec un déménagement en Haute-Loire, encore un changement d’établissement. Même si l’expérience de l’école à la maison en CE2 n’avait pas vocation à être perpétuée, ma mère se dit que nous pourrions retenter.
« Je suis très organisée »
Après ce déménagement, je ne suis plus jamais retournée à l’école. On a une grande maison, dans un petit village montagneux. Ma mère a défini une « salle de classe », un espace réservé au travail, dans lequel nous avons chacune notre bureau. On n’étudie pas toutes aux mêmes horaires, et les petites beaucoup moins que les grandes.
Pendant mes années collège, ma mère gère mes cours, puis je m’inscris au Centre national d’enseignement à distance à partir du lycée. Ma mère conserve un cursus très « classique », avec les programmes scolaires normaux. Je passe le brevet, puis le bac en candidat libre, et je les obtiens.
Je suis très organisée, et j’ai tendance à planifier mes journées moi-même en étudiant le matin, et en passant l’après-midi dehors. J’ai un chien, des chevaux que je monte. Mes sœurs et moi pratiquons aussi beaucoup d’activités sportives et artistiques : équitation, escalade, kendo, musique… On fait des compétitions, cela nous prend beaucoup de temps.
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