Avec Grand amour, son quatrième roman, Eva Ionesco clôt une trilogie sur son enfance dévastée entre violences, dérives, fêtes et rencontres salvatrices. La réalisatrice de My Little Princess (2011), ancienne comédienne de Patrice Chéreau aux Amandiers, s’est lancée avec succès dans l’écriture en 2017. A 59 ans, elle rend hommage à Charles Serruya, dont elle considère qu’il lui a permis de fuir un environnement dangereux et délétère.
Je ne serais pas arrivée là si…
… Si je n’avais pas rencontré Charles Serruya dans la nuit. J’avais 13 ans et lui dix de plus. Nous nous sommes approchés l’un de l’autre comme des chats. Un jour, il m’a dit : « Tu es mon ange » ; je lui ai répondu : « Non, c’est toi mon ange. » Cette relation a été salvatrice pour moi, elle m’a réparée de mes malheurs d’enfant avec une mère abusive. Nous nous sommes reconnus, nous nous aimions, Charles a fait attention à moi, il m’a empêchée de sombrer lorsque j’étais placée dans les centres. L’amour m’a sauvée, il m’a rendue libre.
Quelle jeune adolescente étiez-vous au moment de cette rencontre ?
J’étais une Lolita de chair et de sang, ma mère m’avait hypersexualisée depuis mes 4 ans. J’étais la poupée du Groupe Hachette Filipacchi, qui exploitait les photos que ma mère faisait de moi nue et les publiait en une de ses magazines. Je voulais fuir absolument cette ambiance mortifère d’une mère qui me vendait, me prêtait à des gens. Je comprenais ce qui n’allait pas et je me suis très vite bagarrée, j’étais en révolte contre ce statut de petite fille objet, hyperérotisée.
Votre mère, Irina Ionesco, d’origine roumaine, était elle-même issue d’une famille très abîmée…
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