L’accusation a dépeint le rappeur, lundi, comme le chef violent et menaçant d’un trafic sexuel.
Les premiers témoins ont ainsi dévoilé la « face cachée » de l’artiste et homme d’affaires.
Ses avocats, eux, ont tenté de ramener le dossier à une « affaire d’amour, de jalousie, d’infidélité et d’argent ».
Affaire P. Diddy : le rappeur américain au cœur d’un scandale
Affaire P. Diddy : le rappeur américain au cœur d’un scandale
Une violente vidéo et deux témoignages. Il n’en a pas fallu plus, lundi 12 mai, au procès de P.Diddy à New York, pour instaurer un silence glacial dans la salle d’audience où l’ex-icône du hip-hop est jugée pour trafic à des fins d’exploitation sexuelle, transport de personnes à des fins de prostitution, ainsi que des actes d’enlèvement, corruption et de violences regroupés sous l’inculpation d’entreprise criminelle.
Une journée lors de laquelle l’accusation et les premiers témoins ont dépeint Sean Combs, de son vrai nom, comme un chef violent et menaçant d’un trafic sexuel. Face à cette présentation, détaillant de nombreuses violences et abus sexuels, notamment sur son ancienne compagne, la star du R&B Cassie, les avocats de Diddy, 55 ans, ont tenté de ramener le dossier à une « affaire d’amour, de jalousie, d’infidélité et d’argent ».
Sean Combs était « une icône culturelle, un homme d’affaires hors normes », a déclaré la procureure Emily Johnson lundi à propos de celui qui a fait émerger des artistes comme la reine du hip-hop soul Mary J. Blige ou le rappeur The Notorious B.I.G., assassiné en 1997. « Mais il avait une ‘face cachée’, celle d’un homme qui dirige une entreprise criminelle », a-t-elle immédiatement ajouté, estimant qu’il « se désigne parfois comme le roi. Et s’attend à être traité comme tel ».
La vidéo des violences contre Cassie diffusée
La procureure a affirmé que P.Diddy battait « brutalement » Cassandra « Cassie » Ventura, et qu’il menaçait de diffuser les vidéos qu’il filmait quand elle devait participer à des marathons sexuels avec des travailleurs du sexe. « Cette affaire n’a rien à voir avec les préférences sexuelles privées d’une célébrité », a insisté la procureure. « Il s’agit d’actes coercitifs et criminels par nature », a-t-elle ajouté sous le regard attentif de Sean Combs, assis entre ses avocats, les cheveux blanchis après huit mois de détention.
Pour appuyer leurs accusations, les procureurs ont présenté la vidéo de la star en train de rouer de coups de pieds et de battre celle qui était alors sa compagne. Des images captées par des caméras de surveillance et déjà diffusées en 2024 par CNN qui montrent Diddy se déchaîner violemment en 2016 contre Cassie dans un couloir d’un hôtel de Los Angeles. Les images ont aussi été suivies du témoignage d’Israel Florez, agent de sécurité intervenu ce jour-là. « Elle répétait qu’elle voulait quitter (les lieux) », a-t-il déclaré au tribunal.
Visiblement tendu et alerte, P. Diddy a scruté le vigile alors qu’il déclarait au jury que le rappeur avait, à l’époque, tenté de le soudoyer avec une grosse liasse de billets pour étouffer l’affaire.
C’est quelqu’un qui a un pouvoir illimité
C’est quelqu’un qui a un pouvoir illimité
Daniel Philip, témoin au procès de P.Diddy
Ce témoignage a été suivi par un autre, celui de l’un des hommes payés pour les « Freak Offs » organisés par le rappeur. Daniel Philip a raconté aux jurés, dans des détails qui mettaient mal à l’aise, des épisodes remontant aux années 2012 et 2013, se souvenant d’activités sexuelles rémunérées entre 700 et 6.000 dollars avec Diddy et Cassie mais surtout de violences commises par l’accusé sur son ex-compagne, l’homme affirmant avoir vu Sean Combs la frapper et l’agripper de force par les cheveux.
« C’était soudain. J’étais sous le choc. J’étais terrifié », a-t-il déclaré, assurant avoir pressé la jeune femme de sortir de la pièce, mais que celle-ci avait refusé. Interrogé sur pourquoi il n’avait pas appelé la police pour témoigner de ces violences, le strip-teaseur a dit avoir eu peur d’être lui-même « menacé » par Sean Combs, qui avait pris des photos de sa carte d’identité. Et de lâcher : « C’est quelqu’un qui a un pouvoir illimité ». La jeune femme pourrait, elle, témoigner dès ce mardi.
Et elle ne serait pas la seule victime. L’accusation a affirmé que P.Diddy obligeait ses employés à distribuer des drogues à des victimes lors des marathons sexuels avant de les faire taire. La défense, elle, a dépeint une tout autre réalité. Les accusatrices ? Des « femmes adultes, fortes, en pleine capacité ». Sa relation avec Cassie ? « Une histoire toxique entre deux personnes qui s’aimaient », a plaidé Teny Geragos, l’une des avocates de la star. « Ce n’est pas du trafic sexuel », a-t-elle insisté en décrivant la relation de Diddy et de la chanteuse. Selon l’avocate, la défense admet qu’il y a eu des violences conjugales, mais l’accusé n’est pas jugé pour de tels faits.
Diddy encourt la prison à vie
Figure bling-bling, qui affichait ostensiblement sa fortune dans des fêtes somptueuses où se pressait le gratin du show-biz, celui qui est aussi appelé Puff Daddy est tombé de haut depuis les accusations, immédiatement réglées à l’amiable, de Cassie à l’automne 2023. Par la suite, plusieurs dizaines de plaintes au civil pour violences sexuelles, émanant de femmes et d’hommes, ont été déposées. Le rappeur, lui, clame son innocence et assure n’avoir eu que des rapports sexuels consentis. Il a refusé un accord de plaider-coupable proposé par l’accusation, dont les détails n’ont pas été révélés.
P.Diddy, dont la fortune est évaluée à plus de 700 millions de dollars par Forbes, risque la prison à vie si les 12 jurés et six suppléants méticuleusement sélectionnés la semaine dernière, et qui resteront tous anonymes, jugent l’artiste aux multiples Grammys et producteur à succès qui a aussi fait fortune dans la mode et les alcools, responsable d’avoir mis, au moins depuis 2004, sa notoriété, sa richesse financière et son influence redoutée dans le milieu du hip-hop au service de ce trafic sexuel.