Lorsque s’élèvera la clameur du Stade de France, pour les épreuves d’athlétisme des Jeux paralympiques de Paris (du 28 août au 8 septembre), les souvenirs de John McFall, qui sera présent en tribune, afflueront. Et le chirurgien orthopédique britannique de 43 ans, recruté, fin 2022, dans la plus récente promotion d’astronautes de l’Agence spatiale européenne, mesurera immanquablement le chemin parcouru de la reconquête de son autonomie à la conquête de l’espace, dont il est devenu acteur, par hasard.
En 2000, frais émoulu du lycée, John McFall souhaite s’engager dans l’armée au terme d’une année de césure passée à courir le monde. Le périple tourne court en Thaïlande où, victime d’un grave accident de moto, il doit être amputé de la jambe droite, au-dessus du genou.
« Inapte à l’armée, j’ai cherché ce qui me rendrait heureux, a-t-il expliqué au Monde, le 20 août. J’ai commencé à courir pour me sentir libre et me rééduquer, puis je me suis intéressé à la compétition, avec les Jeux paralympiques de Pékin 2008 en ligne de mire. »
En septembre 2008, dans le célèbre « Nid d’oiseau » de Pékin, lors d’une finale directe à seulement six concurrents, il s’adjuge sur 100 m dans la catégorie T42 (amputés des membres inférieurs) une médaille de bronze « cathartique », dit-il. En 13 s 08, il est loin de son record personnel (12 s 70, en 2007), mais sa performance l’a « comblé », assure-t-il.
« Dépasse-toi, la vie te récompensera »
Il rentre au bercail, en train et sac au dos. Deux mois à travers la Chine, la Mongolie, la Russie, l’Ukraine, la Hongrie, l’Autriche, la Croatie, l’Italie et la France durant lesquels il décide qu’il ne rempilera pas pour Londres 2012. « Peu m’importait le métal, ma médaille couronnait huit années passées à me retrouver moi-même, à en baver et à réapprendre à courir pour atteindre un niveau international. Et, après une licence et un master en sciences du sport, je m’étais inscrit en fac de médecine en 2009 », résume-t-il.
L’annotation griffonnée par son père, ancien parachutiste dans l’armée britannique, sur la page de garde de l’atlas qu’il lui a offert lorsqu’il était en rééducation – « Dépasse-toi, la vie te récompensera » – est remontée à la surface récemment. En 2022, il finalise sa spécialisation de chirurgien orthopédique quand s’offre un nouveau défi sous la forme d’un SMS sibyllin d’un confrère : « L’Agence spatiale européenne recrute des athlètes paralympiques pour les envoyer dans l’espace. »
« C’était un peu plus compliqué que ça, mais mon profil correspondait et je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité. J’ai mis la fin de mon cursus médical sur pause », sourit le docteur McFall, fort du soutien de son épouse et mère de leurs trois enfants, Sonia Lawrence – qui a disputé les Jeux olympiques d’Atlanta, en 1996, en gymnastique artistique pour le Royaume-Uni.
La famille déménage en Allemagne, et il intègre le programme Fly : une étude inédite, lancée il y a un peu plus d’un an, pour déterminer s’il est possible d’envoyer vivre et travailler dans l’espace une personne souffrant d’un handicap physique dans le cadre d’une mission de plusieurs mois. « Ils ont évalué si j’étais en mesure de faire fonctionner tous les appareils de bord et d’être à l’aise dans toutes les phases d’un vol spatial – du lancement au retour sur terre –, y compris pour les procédures d’urgence et de sécurité », explique John McFall. Conclusion ? « Il n’existe ni obstacle ni raison technique pour qu’une personne handicapée physique ne puisse pas voler dans l’espace », dit-il.
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Cette heureuse conclusion ne garantit pas pour autant que l’astronaute britannique décollera un jour. « L’espace est un endroit intrinsèquement dangereux, qui exige qu’on étudie étape par étape les performances humaines et celles de personnes souffrant de handicap physique. Les prothèses que j’utiliserai, si je vole, seront issues d’une technologie qui bénéficiera, j’espère, à la société dans son ensemble », explique-t-il. Et donc, aux athlètes paralympiques.