Tout juste installé dans le bureau directorial de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, où il a pris ses fonctions le 15 juillet, à l’âge de 37 ans, Julien Gosselin est encore dans les cartons. Il détaille ses projets pour la deuxième institution théâtrale publique de France, prestigieuse mais en difficulté budgétaire.
Pendant longtemps, vous avez dit ne pas vouloir diriger d’institution. Qu’est-ce qui vous a décidé finalement à vous positionner pour prendre la tête de l’Odéon-Théâtre de l’Europe ?
Il s’est beaucoup dit que je refusais l’institution, comme d’autres créateurs de ma génération – Caroline Guiela Nguyen [qui est aujourd’hui directrice du Théâtre national de Strasbourg], Sylvain Creuzevault… –, mais ce n’est pas tout à fait vrai. C’est plutôt que, pendant longtemps, on ne nous l’a pas proposé. Et donc nous n’y pensions pas parce qu’on ne nous en parlait pas. Puis le ministère de la culture m’a proposé de réfléchir à l’Odéon, et je me suis dit que c’était le défi le plus fou que je pouvais tenter, et que cela valait le coup d’essayer. Parce que j’aime cette maison, où j’ai joué la plupart de mes spectacles, que j’ai l’impression que l’on peut en faire un grand théâtre européen, et que j’ai atteint ce qu’on peut appeler une forme de maturité pour être à la tête d’une machine comme celle-ci.
Que représente pour vous l’Odéon ?
L’aspect fondamental pour moi, c’est l’identité de l’Odéon comme théâtre de l’Europe. J’ai pensé que je pouvais apporter une expérience glanée au fur et à mesure des années, parce que j’ai beaucoup tourné et travaillé à l’étranger [à la Volksbühne de Berlin ou à l’Internationaal Theater d’Amsterdam, entre autres]. J’ai pu ainsi voir les créations de nombre de jeunes artistes européens dont on ne connaît pas le travail en France, et que j’aimerais faire découvrir. C’est l’axe de mon projet. Je crois à l’idée que les grandes institutions européennes peuvent être des foyers pour la création contemporaine, où on prend des risques, où on propose des spectacles radicaux et exigeants.
La dimension européenne fait partie de l’ADN de l’Odéon, et a été respectée par vos prédécesseurs. A quel endroit pouvez-vous vous démarquer du travail qui a déjà été fait ?
Cette dimension européenne est, en effet, déjà une réalité. Il s’agit de la poursuivre en ouvrant un espace à une nouvelle génération de créateurs. Je fais le constat que l’on arrive au bout de deux générations de grands maîtres – de Krystian Lupa ou Frank Castorf à Thomas Ostermeier. Cela a constitué un grand moment de l’histoire du théâtre, mais il existe aujourd’hui une génération à leur suite, qui trouve sa place dans les festivals – Automne, Avignon… – mais n’est pas forcément défendue dans les théâtres comme l’étaient ses prédécesseurs. Des artistes importants, comme le collectif catalan El Conde de Torrefiel, l’Autrichienne Florentina Holzinger, la Brésilienne Carolina Bianchi, l’artiste trans Samira Elagoz, sont des superstars en Europe, mais ne sont pas programmés dans les grandes institutions, parce que celles-ci restent très identifiées à la question du texte et du répertoire.
Il vous reste 66.04% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.