Dans un Hémicycle fourni, l’Assemblée nationale s’est emparée, mercredi 12 février, du texte de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. La proposition de loi qui entend « restaurer l’autorité » de la justice à l’égard des « mineurs délinquants » et de « leurs parents » reprend une série de mesures annoncées au printemps par celui qui était alors premier ministre et qui préside le groupe Ensemble pour la République au Palais-Bourbon.
Le texte se veut une réponse aux violences urbaines de l’été 2023 – après la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre – selon l’ex-chef du gouvernement qui, après être redevenu député des Hauts-de-Seine, a décidé de le porter à l’Assemblée nationale.
Gabriel Attal a évoqué un autre drame : le meurtre d’Elias, un adolescent de 14 ans mortellement poignardé à Paris pour son téléphone portable, le 24 janvier. Dans cette affaire, deux mineurs de 16 ans et de 17 ans ont été mis en examen. Les parents du jeune garçon décédé ont « salué » la proposition de loi, appelant, dans un communiqué, les pouvoirs publics à prendre « les mesures nécessaires garantissant la protection de tous avant qu’ils puissent être dénommés “victimes” ».
« Evidemment, ce texte n’a pas été rédigé ou déposé après ce drame, mais c’est un drame de plus. C’est un drame de trop », a déclaré Gabriel Attal au cours d’une brève intervention, laissant le député (Renaissance) du Tarn Jean Terlier, rapporteur, défendre une proposition de loi au service « d’une justice plus réactive et mieux adaptée face à l’aggravation de la délinquance des mineurs ».
Une adoption loin d’être assurée
Le ministre de la justice, Gérald Darmanin, a réitéré le soutien du gouvernement à ce texte saluant des mesures qui permettent « de répondre beaucoup plus rapidement à des faits inacceptables ».
Mais son adoption est loin d’être assurée. La gauche est vent debout contre le texte « directement inspiré par les idées de l’extrême droite », selon le député (socialiste, PS) de l’Ardèche Hervé Saulignac. Lors de l’examen en commission des Lois, fin novembre 2024, la gauche avait détricoté le texte, en l’absence d’un grand nombre de députés du centre, de la droite et de l’extrême droite. Mais la motion de rejet préalable déposée par les socialistes, n’a pas été adoptée à l’ouverture des débats mercredi (202 contre, 96 pour).
Gabriel Attal espère rétablir les mesures supprimées en commission, à commencer par la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans pour des faits graves. Il entend également « inverser les choses » sur « l’excuse de minorité » qui permet d’atténuer les peines judiciaires, afin « qu’elle ne soit plus automatique à partir de 16 ans, pour des faits particulièrement graves ». Le texte prévoit en outre de durcir les sanctions envers les parents de mineurs délinquants.
Il pourrait se durcir encore un peu plus au Sénat, le garde des sceaux, Gérald Darmanin, ayant annoncé, dans un entretien au Parisien, vouloir introduire de nouvelles mesures lors de son examen prévu le 25 mars à la chambre haute du Parlement (sous réserve de son adoption par les députés). Le ministre de la justice souhaite notamment l’introduction de jurés populaires pour juger les délits commis par des mineurs, étendre une mesure judiciaire de couvre-feu aux mineurs délinquants « dès leur sortie des cours et les week-ends », ou renforcer l’usage du bracelet électronique pour les moins de 18 ans.
Le Rassemblement national salue un « message de fermeté »
Pour le député (écologiste) de Paris Pouria Amirshahi, ce texte « traduit la bascule triste de notre époque, celle par laquelle la répression devient le seul horizon d’un pouvoir en mal de solution de fond ». « Ce n’est pas en enfermant un enfant qu’on lui ouvre de nouvelles perspectives », s’est-il indigné, appelant plutôt à s’inquiéter de la suppression de 500 postes envisagée à la protection judiciaire de la jeunesse.
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De l’autre côté de l’Hémicycle, le Rassemblement national a salué le « message de fermeté » envoyé, selon les mots de la députée du Gard Sylvie Josserand. « Il faut rendre à César ce qui est à César », a lancé l’élue d’extrême droite rappelant que « l’exclusion de l’excuse de minorité de plein droit » est « une mesure prônée de longue date » par son parti.
Plus tôt, le député (socialiste) Hervé Saulignac avait appelé « à la conscience personnelle de chaque député du bloc central » pour faire barrage à ce texte. Avant l’examen, plusieurs élus avaient partagé leur malaise, déplorant un seul volet répressif. Le député (Renaissance) de la Moselle Ludovic Mendes regrettait par exemple que le texte « ne traite qu’une partie du problème ».
Le dossier a valeur de test pour Gabriel Attal, dans le creux de la vague après un revers essuyé par son parti lors de récentes élections, et des critiques sur sa méthode employée comme chef du groupe. Mercredi soir, la présence de la quasi-totalité des députés Renaissance sur les bancs sonnait toutefois comme une première victoire pour l’ancien premier ministre. Avant la poursuite de l’examen des mesures jeudi matin, et un probable vote dans la foulée.