La frêle silhouette d’Abla Bsharat, enveloppée dans une longue robe rose foncé, se penche sur la chaise en plastique au milieu de la terrasse familiale, l’index tendu en direction d’un muret sur sa droite. « Adam aimait se faire un café et le boire là, murmure la mère. Il venait de rentrer du pèlerinage à La Mecque [en Arabie saoudite], je voulais le marier. »
L’endroit est silencieux en ce matin de ramadan, un peu à l’écart de la route qui traverse Tammoun. La petite bourgade du nord-est de la Cisjordanie est entourée de champs et de collines vert vif après les dernières pluies de l’hiver.
Le 8 janvier, Adam, 23 ans, a changé le réservoir d’eau sur le toit et est allé s’installer sur « son » muret. Ses deux cousins, Reda et Hamza, 8 ans et 10 ans, l’y ont rejoint. L’école avait fermé pour la journée, en raison du raid mené par l’armée de l’Etat hébreu dans la ville. La mère de Reda, Fida Bsharat, voulait que son fils s’enferme à la maison, par crainte d’une balle perdue. Adam l’a rassurée, les militaires étaient loin de leur quartier. Moins d’une minute plus tard, un missile israélien explosait sur le muret, arrachant l’asphalte de ce coin de la cour et criblant le mur d’éclats.
Reda « était ouvert d’ici à là, raconte Fida d’un débit de voix rapide, traçant une ligne sous sa mâchoire. Son âme était en train de partir. A la tête, à gauche, il avait un trou de quelques centimètres, un bout de cervelle était sorti ». Le petit garçon était son seul fils, né par procréation médicalement assistée après quatre filles. Abla Bsharat, qui s’était précipitée hors de la maison en raison du bruit de l’explosion, a tout juste eu le temps de serrer contre elle le corps sans vie d’Adam.
Il vous reste 85.73% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.