Après une semaine de violences qui ont provoqué la mort d’au moins 100 personnes en Colombie, les autorités ont demandé, jeudi 23 janvier, au Venezuela voisin de les aider à contrer les guérillas à l’origine des troubles. Selon les estimations des autorités colombiennes et des Nations unies, ces affrontements ont tué au moins 80 personnes et causé le déplacement de quelque 36 000 habitants dans la seule région frontalière du Catatumbo.
« J’ai parlé avec le gouvernement vénézuélien », a déclaré le président colombien Gustavo Petro sur X, évoquant un « plan commun pour éradiquer les groupes armés à la frontière ». Le gouvernement colombien a déclaré lundi l’état d’urgence et déployé quelque 5 000 soldats dans le Catatumbo.
La Colombie s’efforce de contenir la violence dans cette région montagneuse du nord-est du pays, où la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN), forte de 5 800 hommes, a pris pour cible des dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), un groupe armé rival.
L’ELN tente d’affirmer son contrôle sur une partie de cette région frontalière, qui abrite des routes du trafic de drogue et des plantations de coca, l’ingrédient principal de la cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial.
Fondée en 1964, cette guérilla d’extrême gauche à la lointaine idéologie révolutionnaire se livre au crime organisé et au trafic de drogue dans ses bastions ruraux, principalement à la frontière entre la Colombie et le Venezuela.
Pourparlers de paix suspendus
La Fondation paix et réconciliation (PARES) a dénoncé le fait que « beaucoup de morts ne peuvent pas être récupérés, sur ordre de l’ELN ». Les corps d’un bébé et de deux adolescents font partie de ceux retrouvés dans cette zone, a annoncé, jeudi, le directeur de la médecine légale du pays, Jorge Arturo Jiménez.
Cette escalade de violence plonge la Colombie dans une des pires crises sécuritaires depuis plusieurs années, tout en anéantissant les espoirs du gouvernement de désarmer l’ELN avec laquelle il avait relancé des pourparlers de paix en 2022. Les négociations ont été suspendues et la justice colombienne a réactivé, mercredi, les mandats d’arrêt contre 31 de ses dirigeants.
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Rodrigo Londoño « Timochenko », dernier commandant de la guérilla des FARC, signataires d’un accord de paix avec le gouvernement en 2016, a critiqué « l’obstination absurde » de l’ELN. « L’expérience nous a appris que des massacres comme ceux perpétrés aujourd’hui par l’ELN dans le Catatumbo ne conduiront jamais à aucune révolution », a estimé le chef du parti Comunes, né de l’accord de paix.
Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, fait figure de paria dans la plupart des pays d’Amérique latine, sauf pour les gouvernements autoritaires de Cuba et du Nicaragua, qui ne reconnaissent pas sa victoire à l’élection du 28 juillet, dont les résultats n’ont jamais été publiés.
Les services de renseignements colombiens ont longtemps affirmé que l’ELN bénéficiait du soutien et de la protection du Venezuela, certains de ses dirigeants vivant vraisemblablement de l’autre côté de la frontière.
D’autres régions touchées par la violence
Le Venezuela accuse pour sa part la Colombie de fournir un « abri » aux chefs du Tren de Aragua, un des plus grands gangs vénézuéliens, d’environ 5 000 membres, qui sévit dans toute l’Amérique latine.
Malgré la promesse de Gustavo Petro de faire la « guerre » à l’ELN, l’armée colombienne n’a pour le moment que peu pénétré dans les territoires contrôlés par les groupes armés, établissant des postes d’observation et effectuant des patrouilles dans les zones urbaines.
Elle dit se concentrer sur l’aide à la population déplacée qui afflue chaque jour dans les abris mis en place dans de nombreuses municipalités. Selon Gustavo Petro, 1 580 Colombiens « réfugiés » ont gagné le Venezuela.
Zilenia Pana, une femme indigène de 48 ans, a fui avec ses enfants de 8 et 13 ans pour trouver refuge dans la petite ville colombienne d’Ocaña. Les groupes armés « nous ont dit que nous devions évacuer, alors pour protéger nos enfants, nous avons dû partir » , raconte-t-elle à l’Agence France-Presse (AFP).
L’armée a déclaré, mercredi, qu’elle avait entamé des « opérations offensives », sans qu’il soit possible d’en rendre compte. Jeudi, une équipe de l’AFP sur place a constaté que des membres de l’ELN armés et à moto tenaient un point de contrôle sur une route de cette région.
D’autres régions sont touchées par la violence de ces groupes armés, qui ont fait au total plus de 100 morts dans le pays depuis une semaine. Une moto piégée a explosé au passage d’une patrouille militaire à Argelia, dans le département de Cauca (sud-ouest), faisant au moins cinq blessées dont trois civils, a annoncé l’armée jeudi.