Lundi 4 novembre, les coquillards sont rentrés tard, portés par la marée, à Port-en-Bessin-Huppain (Calvados). Coque contre coque, ils ont déchargé les premières coquilles Saint-Jacques de la saison. Sur les quais, chacun partait à la pêche aux informations, désireux de savoir si les cales étaient bien remplies. Certains équipages ne cachaient pas leur déception. Ils n’avaient pas trouvé le bon filon, mais se rancardaient pour mieux se positionner lors de la prochaine marée. Prêts à rapporter les 1 ou 2 tonnes de prise autorisées par journée.
Mais courait aussi, le long des quais, une histoire belge. Pas de quoi, pourtant, rendre les marins normands souriants. Un navire battant pavillon belge est, en effet, venu pêcher près des côtes françaises, s’approchant le nez au vent de la baie de Seine le jour même de son ouverture à la collecte. De quoi créer des tensions. Il est vrai qu’au gré des traités ce tracé maritime est autorisé aux bateaux belges ou néerlandais, mais leur pavillon ne les oblige pas à suivre les règles établies par la filière de pêche normande.
Or ces règles sont strictes : tout est minuté. En novembre, les coquillards ne peuvent œuvrer que 90 minutes d’affilée en une journée, et l’exercice ne peut se répéter que quatre fois par semaine. En mai, les coquillards rentrent dans leur coquille et deviennent simples chalutiers. La saison du bivalve est terminée. Ce calendrier contraint a contribué à reconstituer la ressource. Chaque année, avant le top départ de la course au trésor coquillier, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer sonde les fonds marins pour évaluer le butin. Cet été, elle a estimé le potentiel, en baie de Seine, à 137 000 tonnes, en progression de 56 % par rapport à 2023. Un quasi-record. L’espèce n’est pas menacée. La coquille Saint-Jacques se laisse draguer.
« Nous défendons la pêche artisanale »
Cette richesse est très convoitée. D’où la tentative du bateau belge d’en profiter. Un message clair lui a été envoyé : pas question d’entrer dans le pré carré des Français. Les Britanniques, qui sont souvent tentés, eux aussi, de s’approcher, l’ont appris à leurs dépens. La bataille navale menace à tout moment d’éclater. Il ne faut pas trop chatouiller les pêcheurs énervés.
« Nous défendons la pêche artisanale. En Normandie, un pêcheur sur deux vit de la coquille Saint-Jacques. Les Britanniques, eux, pratiquent une pêche industrielle avec des bateaux de 30 à 40 mètres, une main-d’œuvre étrangère et un fonctionnement 24 heures sur 24. Ils viennent nous concurrencer en vendant moins cher des coquilles prises dans les eaux françaises », s’énerve Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches maritimes de Normandie.
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