Des bleus, des roses, des rouges… Des étincelles multicolores parsèment le ciel
de Nice en cette soirée du 4 juillet 1945. Avec dix jours d’avance sur les festivités traditionnelles, c’est jour de fête sur la baie des Anges où la guerre paraît déjà loin, même si les combats ont duré jusqu’au printemps près de la frontière italienne. La nourriture manque encore, la reconstruction tarde, l’épuration et les appels à la vengeance jettent une atmosphère pesante, comme partout en France mais peut-être avec plus de vigueur, sur cette ville qui avait hérité, en 1940, du triste surnom de « Fille aînée de la révolution nationale » du maréchal Pétain. Mais, en cette nuit du 4 juillet où résonnent les pétards, l’ambiance est à la détente sur la promenade des Anglais.
La célèbre artère de bord de mer n’a pas retrouvé son lustre. Le littoral n’est pas entièrement déminé, l’eau pas vraiment salubre et en surplomb de la grève subsistent des blockhaus, parfois camouflés au moyen de fausses vitrines peintes par les Allemands. De fait, les bains de mer n’appartiennent pas vraiment au quotidien des « Niçois de vieille souche, en général peu sensibles à cette invitation semi-baudelairienne », rappelle une chronique de La Liberté de Nice et du Sud-Est. Pas de baignade pour les Niçois, donc, mais les distractions ne manquent pas.
Un an après la libération de la ville, le 28 août 1944, on applaudit au Paris-Palace le chef-d’œuvre de Charlie Chaplin Le Dictateur – « en tout point remarquable », apprécie un critique local. A côté de la rubrique Rationnement, les journaux recensent chaque jour les « Fêtes et festins ». Bars et dancings retrouvent leur clientèle et bénéficient apparemment de quelques avantages qui ne font pas l’unanimité : « Ils ont engagé depuis la Libération plusieurs dizaines de millions pour transformer leurs établissements. (…) Il nous semble que les matières premières devraient aller non pas vers les lieux de plaisirs, mais vers les écoles, les hôpitaux et les maisons d’ouvriers », regrette La Liberté de Nice et du Sud-Est.
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