La censure par le Conseil constitutionnel, jeudi 7 août, de l’article 2 de la loi Duplomb, qui autorisait à nouveau l’usage de trois pesticides néonicotinoïdes, n’affecte en rien l’état d’esprit qui caractérise désormais la droite française, de l’extrême droite à l’extrême centre : la défense d’intérêts économiques catégoriels étroits au-delà de toute considération relative à l’intérêt général, fût-ce au mépris d’intérêts fondamentaux et transversaux, comme les droits à un environnement sain et à la santé, consacrés par la Charte de l’environnement. Réaction en effet de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et des partis de droite : ce n’est pas la loi Duplomb qui menace l’intérêt général, mais le juge constitutionnel qui bafoue la démocratie !
Commençons par souligner l’étroitesse des intérêts défendus par la majorité parlementaire dans cette affaire. L’enjeu de l’interdiction des néonicotinoïdes n’est pas même la disparition d’une filière, la culture des betteraves, mais une rentabilité moindre certaines années, celles caractérisées par les assauts d’une maladie, la jaunisse, laquelle entraîne une baisse des rendements.
L’année où ces rendements ont connu, depuis l’interdiction de ces néonicotinoïdes en 2018, une baisse importante, soit 30 %, est l’année 2020, et encore dans certaines régions – chiffre sujet à caution puisque ces mêmes régions ont alors été affectées d’une sécheresse importante. Il ne s’agit donc que d’une baisse des rendements ni partout ni tout le temps, et cela pèse plus aux yeux de certains que la destruction de l’environnement, que la protection de la santé publique, que la lutte contre l’explosion du nombre de divers cancers, que le fait qu’ils affectent des populations de plus en plus jeunes, qu’in fine la mort d’autrui.
Et ce n’est pas tout : il existe des alternatives. Au premier chef, l’agriculture biologique. Les exploitants qui la pratiquent ne connaissent nullement les affres de la jaunisse. Autre alternative, l’agroécologie qui, en reproduisant la pluralité d’espèces propres aux écosystèmes naturels, enrichit la biodiversité et les sols au lieu de les détruire. Mais l’une et l’autre requièrent un exercice différent de la profession, exigeant notamment une intensité en travail plus grande. Il existe même des alternatives agrochimiques moins dangereuses, mais à l’usage là encore plus contraignant.
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