La jeunesse française est-elle devenue de plus en plus violente, de plus en plus jeune ? Assurément, a-t-on spontanément envie de répondre. On se souvient qu’en 2023, Marseille avait connu un record historique de quarante-neuf morts (dont sept mineurs) liés au narcotrafic, dont 60 % des mis en examen avaient entre 14 et 21 ans. Même si l’année 2024 a enregistré une forte baisse de ces homicides (vingt-quatre), l’assassinat d’une balle dans la nuque d’un chauffeur de VTC par un adolescent de 14 ans, le 4 octobre, a été commenté comme le symbole de ce rajeunissement de l’ultraviolence.
A Paris, la mort d’Abass, 16 ans, le 17 décembre, poignardé à la sortie du lycée Rodin, après une rixe entre lycéens, puis celle encore plus médiatisée d’Elias, 14 ans, le 24 janvier 2025, victime lui aussi d’un coup de couteau pour avoir résisté à un vol de portable par deux adolescents de 16 et 17 ans ont fini d’installer cette conviction dans l’opinion.
Les hommes politiques, principalement de droite et du bloc central, n’ont pas tardé à enfourcher ce cheval bien docile, car galopant dans le sens de l’opinion. Dès le 21 novembre sur CNews, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, déclarait que c’était « une violence qui touche de plus en plus de jeunes (…) et de plus en plus de jeunes sont des tueurs ». Le 13 février 2025, devant l’Assemblée nationale, à l’occasion du débat sur la proposition de loi qui porte son nom et qui préconise de durcir le code pénal des mineurs, Gabriel Attal, le chef de file des députés Renaissance, a enfoncé le clou : « La question qui nous est posée est assez simple (…) : est-ce qu’on accepte, en France, qu’on apprenne que, chaque semaine, un jeune a tué un autre jeune pour un téléphone portable, pour un mot ou pour un regard ? »
Baisse quasi continue
Il faut, ici, ouvrir une petite parenthèse méthodologique. D’abord, ni le ministère de l’intérieur ni celui de la justice ne publient de statistiques fiables sur de longues périodes qui permettraient de déterminer si les mineurs sont de plus en plus nombreux à être de plus en plus violents. Chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, Fabien Jobard en donne une explication historique : « Jusqu’au milieu des années 1990, la justice ne s’intéressait quasiment pas à la violence des mineurs… On avait très peu de données. »
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