A 89 ans, José « Pepe » Mujica est lucide. « Nous n’avons pas changé le monde, reconnaît l’ancien président uruguayen de gauche (2010-2015). Mais nous nous sommes battus pour qu’il y ait une meilleure répartition. » Pendant son mandat, on l’avait surnommé « le président le plus pauvre du monde » car il avait préféré rester dans sa modeste ferme, à Rincon del Cerro, à 15 kilomètres de Montevideo, et continuer à y cultiver ses fleurs, plutôt que de s’installer dans le palais présidentiel.
Google Maps indique : « Chacra (ferme) de José Pepe Mujica » à l’endroit de sa maison, à laquelle on accède par un chemin de terre. Tout autour, un fatras d’outils, de chaises en plastique, de plantes poussant de manière anarchique… Sous la galerie, des cageots de maïs séché. Dès que sa santé le lui permet, José Mujica laboure son champ avec son tracteur. Depuis la découverte d’un cancer de l’œsophage en avril – dont il est guéri, assure-t-il –, les cultures sont un peu à l’abandon.
Il a toutefois participé, en novembre, à deux rencontres dans le cadre de la campagne présidentielle du Mouvement de participation populaire, le parti qu’il a contribué à fonder en 1989. Son candidat, Yamandu Orsi, disputera dimanche 24 novembre le second tour face à la droite au pouvoir. Le 19 octobre, Mujica était sur la scène lors de la clôture de campagne du premier tour, arrachant des larmes à la foule quand il a dit se battre contre la mort et se trouver « à la fin du match », concluant : « Hasta siempre. »
José Mujica reçoit Le Monde dans sa bicoque nichée sous les arbres avec son épouse, l’ex-sénatrice et ex-vice-présidente Lucia Topolansky (2017-2020), au lendemain de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, le 6 novembre. Une victoire qu’il attribue à une « crise de la démocratie » : « Le fait que les Etats-Unis, le pays avec le plus fort taux de scientifiques, de penseurs, d’universitaires brillants, aient choisi quelqu’un comme Trump montre que la démocratie contemporaine est malade et ne donne pas de réponses à la complexité croissante de ce monde. »
Milei « va se détruire lui-même »
En face de l’Uruguay, en Argentine, l’ultralibéral et vociférant Javier Milei est arrivé au pouvoir en décembre 2023. Son élection n’étonne pas Jose Mujica. « Pourquoi Hitler a-t-il été élu en Allemagne ? L’hyperinflation rend les gens dingues [l’Argentine a clos l’année 2023 avec une inflation de 200 %]. La République de Weimar a été enterrée par l’inflation. Il dit vouloir détruire l’Etat, mais il va se détruire lui-même. Et l’Argentine va en payer un prix très élevé. »
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