Il y a peu de chance que Michel Barnier connaisse Era Dabla-Norris. C’est dommage, car elle pourrait lui apporter un renfort à l’occasion de la difficile discussion budgétaire qui s’engage à l’Assemblée nationale. Cette économiste est directrice adjointe des affaires fiscales au Fonds monétaire international et, à ce titre, la rédactrice de l’un des rapports les plus attendus de l’institution, le « Fiscal Monitor ». Sa dernière édition, parue mardi 15 octobre, est un cri d’alarme. La dette mondiale explose et semble hors de contrôle. Elle passera, en 2024, le seuil historique des 100 000 milliards de dollars (92 800 milliards d’euros), soit 93 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. A ce train, elle devrait dépasser 100 % avant la fin de la décennie, soit 10 points de plus qu’en 2019.
Evidemment, la France, qui a dépassé 110 % du PIB, ne craint pas la concurrence dans ce domaine. Mais, plus que le niveau, ce qui inquiète le FMI, c’est la dynamique de ce mouvement. Six pays sont montrés du doigt dans ce domaine : le Brésil, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis.
Quatre facteurs plaident pour une aggravation du phénomène. Tout d’abord, la pression politique. Le spectacle donné en France à l’Assemblée nationale le démontre largement. Personne ne veut enfiler le costume du père Fouettard de la dette et assumer de douloureuses coupes budgétaires : les uns ne veulent pas de réduction dans les dépenses, quand les autres ne veulent pas de hausse d’impôts. Partout dans le monde, la montée des populismes polarise encore plus ce dilemme qui ne peut se résoudre que par plus de dette.
L’illustration la plus flagrante est le cas des Etats-Unis, en pleine campagne électorale. Un think tank américain spécialisé dans les affaires budgétaires (le Committee for a Responsible Federal Budget) a calculé que les promesses de Donald Trump devraient alourdir la colossale dette du pays de 7 500 milliards de dollars supplémentaires sur dix ans. C’est deux fois plus que celles du programme de Kamala Harris (3 500 milliards). C’est, en soi, le deuxième facteur d’alourdissement de la dette mondiale dans les années à venir.
Dépenses incontournables
Le troisième élément négatif est celui de la croissance. Elle faiblit partout et rend plus difficiles, politiquement et concrètement, les ajustements. Cette chute réduit les rentrées fiscales et pousse l’Etat à accroître ses dépenses pour compenser les faiblesses de l’économie (pouvoir d’achat, chômage, restructurations…). Comme le souligne le quotidien Les Echos, nous entrons, en France, dans un régime durable de très faible croissance, voire de stagnation, avec des progressions inférieures à 1 %. Du jamais-vu en temps de paix depuis un siècle. D’autant que toute tentative de réduction de la dette ne peut plus se faire qu’au détriment de l’activité économique.
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