Parmi les causes des contre-performances du système scolaire français dans les comparaisons internationales, l’une apparaît comme fondamentale : les défauts de la formation des enseignants. Quatre professeurs français sur cinq disent ne pas avoir été suffisamment préparés à leur métier. Or la formation est l’une des composantes majeures de l’« effet maître », autrement dit la capacité personnelle des professeurs à faire réussir leurs élèves, notamment à contrecarrer les inégalités sociales. C’est dire l’importance de la « réforme profonde » de la formation initiale des enseignants annoncée vendredi 28 mars par le premier ministre, François Bayrou, et la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne.
La formation est l’un des domaines où la fièvre réformatrice des prédécesseurs de Mme Borne s’est le plus exercée. Depuis qu’en 1989 le ministre Lionel Jospin a décidé d’unifier les filières de formation des enseignants de l’élémentaire et du secondaire, leur architecture a été modifiée pas moins de cinq fois. Sous des dehors techniques, le dossier soulève l’un des débats les plus sensibles sur l’éducation : faut-il privilégier la formation dans les disciplines à enseigner ou dans les méthodes d’enseignement ? Savoirs contre pédagogie, la querelle recouvre aussi des enjeux d’influence, entre les universités et l’éducation nationale, entre les syndicats de professeurs de l’école élémentaire et ceux du secondaire.
Des errements politiques ont abouti à une succession de cotes mal taillées, qui ont rendu illisible le parcours menant au métier de professeur. Pourfendeur des « pédagogues » et militant des « savoirs », Jean-Michel Blanquer a élevé en 2021 à bac + 5, autrement dit au master 2, le niveau de recrutement des enseignants. L’idée s’est révélée catastrophique. Depuis sa mise en œuvre, le nombre de candidats a baissé de 45 % dans le premier degré et de 21 % dans le second. Dans un contexte d’aggravation de la pénurie d’enseignants, il était temps de redresser la barre.
Valse des ministres
La réforme annoncée vendredi part d’une nécessité d’évidence : identifier dans l’enseignement supérieur un parcours lisible menant à l’enseignement qui, curieusement, n’existe pas. A partir de 2026, tous les professeurs seront recrutés par concours après l’obtention d’une licence (bac + 3), puis ils bénéficieront de deux ans de formation professionnalisante rémunérée. En anticipant le recrutement et en rétribuant les apprentis professeurs dès la quatrième année d’études supérieures, l’éducation nationale compte attirer davantage d’étudiants, notamment parmi les classes moyennes et populaires, désavantagées par un recrutement après bac + 5.
Qu’il ait fallu tant de temps pour appliquer ces idées simples, largement mises en œuvre dans les années 1950-1980, donne la mesure de l’inquiétante inertie du paquebot « éducation nationale ». En réalité, la réforme annoncée était sur les rails depuis 2023. Emportée par la dissolution, elle a été, comme d’autres, victime de la valse des ministres – six en deux ans Rue de Grenelle – et de dissensions à propos de son coût, 500 millions d’euros par an. Cette somme, qui peut sembler lourde en période de difficultés budgétaires, est l’un de ces investissements dans l’éducation dont le pays a le plus grand besoin. Encore la formation ne constitue-t-elle que l’une des variables à modifier, avec les rémunérations, le déroulement des carrières et le système des mutations, pour, enfin, selon l’expression de Mme Borne, « redonner envie d’enseigner ».