L’incertitude politique et législative française née de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, sème le doute chez ceux qui cherchent à placer leurs capitaux en Europe. Après cinq années fastes, au cours desquelles la France était perçue comme le pays le plus attractif du Vieux Continent pour implanter sièges sociaux, centres de recherche ou usines, le vent semble tourner, nourri par le sentiment que l’Europe doit faire plus pour résister au protectionnisme américain et aux ambitions chinoises. Tel est le constat que dresse le cabinet EY, qui mène depuis vingt ans une enquête auprès de 200 dirigeants d’entreprises à capitaux étrangers.
Selon une « édition spéciale » de ce panel élaborée courant octobre, pour la moitié de ces décideurs, l’attractivité de la France s’est dégradée depuis juin, et une même proportion (49 %) a d’ores et déjà réduit ses projets d’investissement dans l’Hexagone, dont 12 % d’une manière « significative ». « On sort d’une longue période de constance [sur les plans économique et fiscal], explique Marc Lhermitte, associé chez EY et coauteur de l’étude. Ce baromètre reflète une instabilité nouvelle. »
Les dirigeants s’interrogent sur les choix législatifs ou réglementaires à venir, s’inquiètent du ralentissement des réformes et de la simplification administrative, tout en s’alarmant de la dette et du déficit budgétaire. Toutefois, il est à noter que ces interrogations ne sont pas encore traduites par des annulations de projets d’investissements, mais plutôt par de l’attentisme. Ainsi, près de six dirigeants sur dix affirment que leurs projets sont reportés, « au mieux » à 2025.
« Lassitude »
Ces délais dans les décisions d’investissement pourraient peser sur l’activité économique et la réindustrialisation : en 2023, les entreprises à capitaux étrangers ont été à l’origine de 400 investissements industriels, dont 40 % dans les villes moyennes. Elles contribuent à 16 % du produit intérieur brut, emploient 2,2 millions de personnes, soit 13 % de l’emploi total, et réalisent 35 % des exportations industrielles, rappelle EY.
La France n’est pas seule à faire l’objet de questionnements. « Ces entreprises étrangères jugent la situation de l’Europe dans son ensemble assez préoccupante », souligne M. Lhermitte. « On observe une lassitude face à la dispersion économique et commerciale des pays européens. » L’Allemagne, qui traverse une crise économique et politique, subit aussi une certaine désaffection.
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