Ces derniers mois ont vu le retour en politique des références à la social-démocratie. Sa signification a cependant sensiblement évolué depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Née d’une indignation face à l’ordre social, la social-démocratie s’est inscrite dans le dernier tiers du XXe siècle au rang des gestionnaires de la mondialisation capitaliste.
A mesure que nombre de partis socialistes revendiquaient leur capacité à intégrer les contraintes budgétaires de l’Etat et à exercer durablement le pouvoir, la référence à la social-démocratie s’est moins située sur un plan doctrinal que stratégique. Ainsi se réduit-elle souvent aujourd’hui à invoquer une « gauche de gouvernement » face à une gauche « de rupture », décrite comme sectaire et dangereuse – quitte à faire abstraction de ses propres inclinations néolibérales.
Le retour de cette référence a cependant le mérite de faire remarquer une absence : alors que les partis sociaux-démocrates ont historiquement été une émanation du mouvement ouvrier et que souvent les syndicats et les mouvements sociaux en ont été des alliés objectifs, la question des rapports de la gauche à la société et des formes d’organisation pour les permettre n’est que rarement posée.
Des partis repliés sur eux-mêmes
« France des bourgs » contre « France des tours », dialogue avec le nouveau gouvernement ou censure, destitution d’Emmanuel Macron… la rentrée politique n’a pas été avare, à gauche, de débats stratégiques. Cette même gauche se révèle cependant moins diserte quant à ses propres formes d’organisation. De même, si l’appel incantatoire à « produire des idées » est une figure rituelle du commentaire politique, la capacité des partis à faire vivre ces idées, à les capter ou à les porter est peu interrogée. Il est admis que les partis se chargent de faire apparaître aux groupes sociaux leurs intérêts communs. Cependant, la question relative au moyen de s’adresser à ces groupes – de se rendre visible à eux, de les concerner et de leur témoigner de ce qu’un engagement de gauche peut signifier – paraît tristement secondaire.
Pourtant, en politique les questions sont souvent plus importantes que les réponses. Or, les travaux de science politique s’accordent pour donner une image guère reluisante des partis, à laquelle la gauche n’échappe pas. Ils inspirent une forte défiance dans l’opinion et sont décrits comme des entre-soi professionnalisés et repliés sur eux-mêmes, où se côtoient élus, collaborateurs d’élus et aspirants à l’élection, selon des normes qui leur sont propres.
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