La Grèce va suspendre pour trois mois l’examen des demandes d’asile de migrants arrivant à bord de bateaux en provenance d’Afrique du Nord, annonce mercredi 9 juillet le premier ministre, alors que le nombre d’arrivées depuis la Libye a fortement augmenté.
Kyriakos Mitsotakis, qui depuis son arrivée au pouvoir en 2019 mène une politique migratoire très restrictive, a précisé que « tous les migrants qui entrent illégalement seront arrêtés et détenus ». Avant d’ajouter devant les députés que « le passage vers la Grèce est fermé ». Il évoque une « situation d’urgence » qui « exige des mesures exceptionnelles », souhaitant envoyer « un message de détermination (…) tant aux trafiquants qu’à leurs clients potentiels ».
Manque de capacité d’accueil
Plus de 2 000 demandeurs d’asile ont été secourus au large de la petite île de Gavdos et de la Crète ces derniers jours, marquant un « pic » du nombre d’arrivées, selon les autorités grecques. Selon les autorités grecques, plus de 7 300 personnes exilées sont arrivés en Crète et à Gavdos depuis le début de l’année, contre 4 935 en 2024.
Un nouveau groupe d’environ 520 personnes exilées a été secouru mercredi matin par la police portuaire grecque au large de Gavdos, alors qu’Athènes s’inquiète d’un « flux migratoire massif » en provenance de Libye, a signalé le porte-parole du gouvernement, Pavlos Marinakis, à la télévision. Dimanche, plus de 600 demandeurs d’asile ont été secourus dans cette zone de la Méditerranée orientale au cours de quatre opérations de sauvetage distinctes, selon la police portuaire.
Alors que des îles du nord-est de la mer Egée, comme celle de Lesbos, disposent de camps d’accueil, la Crète et Gavdos n’en ont pas et les autorités locales ne cessent d’appeler le gouvernement à prendre des mesures pour y faire face.
La Grèce avait déjà temporairement suspendu l’examen des demandes d’asile début 2020 en pleine crise migratoire avec la Turquie quand des milliers de personnes en quête d’asile dans l’Union européenne avaient afflué à la frontière gréco-turque.
La Grèce avait soulevé ce problème auprès de ses partenaires européens lors du dernier sommet de l’Union européenne fin juin à Bruxelles et une mission avait été préparée pour se rendre en Libye pour s’entretenir avec les autorités libyennes.
La Grèce, l’une des principales portes d’entrée européenne
Mais mardi, un couac diplomatique a eu lieu entre l’Union européenne (UE) et le gouvernement de l’Est de la Libye, rival du gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU, basé à Tripoli. A peine arrivés à Benghazi, port de transit des demandeurs d’asile vers l’Europe, le commissaire européen Magnus Brunner accompagné de trois ministres, grec, italien et maltais, ont été sommés de repartir.
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« Ce qui s’est passé est sans précédent », fustige Kyriakos Mitsotakis, n’excluant pas que la Grèce prenne des mesures comme la mise en place de centres d’accueil fermés pour ces demandeurs d’asile. Et soutient que « la logique l’impose. Nous ne pouvons pas abandonner les habitants de ces régions, qui subissent de telles pressions ».
Par sa situation géographique, la Grèce reste l’une des principales portes d’entrée européenne des personnes émigrant de l’Asie, de l’Afrique ou du Moyen-Orient. Depuis plus d’un an et demi, la route migratoire passe désormais par la Libye et place de fait la Grèce, l’Italie et Malte en première ligne. Les personnes en quête d’asile dans l’Union européenne embarquent depuis la Libye, en particulier depuis la ville portuaire de Tobrouk, dans l’est du pays sous contrôle du puissant maréchal Khalifa Haftar.
Devant l’augmentation de ces traversées, les naufrages aussi se font de plus en plus fréquents dans ces zones. L’un des plus meurtriers reste celui du 14 juin 2023 avec 750 personnes à bord d’un chalutier : plus de 600 personnes auraient péri, selon l’ONU. Une plainte collective contre les gardes-côtes grecs a été déposée par plusieurs dizaines de survivants du drame.