« Le silence est la perpétuation du crime, il le relativise, il lui ferme la porte du jugement et de la vérité et lui ouvre toute grande celle de l’oubli, celle du recommencement », écrit Boualem Sansal dans Le Village de l’Allemand, ou le Journal des frères Schiller (Gallimard, 2008). Ce récit décrit la découverte par deux frères germano-algériens du passé de leur père, ancien nazi caché en Algérie, massacré avec le reste de son village durant la guerre civile algérienne.
Ce récit puissant établit des correspondances entre trois moments historiques éloignés les uns des autres, mais entre lesquels l’auteur fait des rapprochements : la Shoah, vue à travers le regard d’un jeune Arabe qui découvre la réalité des exterminations de masse ; la « décennie noire », celle des années 1990 et de la guerre civile en Algérie ; la situation des banlieues françaises à l’aube du XXIe siècle, gangrenées par les progrès de l’islamisme radical. Sur un triptyque aussi sensible, Boualem Sansal fait entendre la voix singulière d’un écrivain animé par une seule volonté, celle de « dire la vérité, partout dans le monde ».
Ecrire, pour combattre ce qu’il considère comme le mensonge, l’ignorance, la dissimulation, le silence et l’oubli, écrire pour dire la vérité apparaît comme le combat le plus fondamental de Boualem Sansal. « Je me dis ceci : si un seul crime demeure impuni sur terre et que le silence l’emporte sur la colère, alors les hommes ne méritent pas de vivre », affirme ainsi le personnage de Rachel dans Le Village de l’Allemand.
Une seule attitude est possible
Boualem Sansal paie aujourd’hui de sa liberté son engagement pour la vérité. Réduite au silence à l’ombre des prisons d’Alger, la voix de Boualem Sansal ne résonne plus à ce jour que dans ses écrits. Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, âgé de 80 ans et atteint d’un cancer, est incarcéré en Algérie depuis le 16 novembre 2024. Le tribunal de Dar El-Beïda, près d’Alger, l’a condamné, le 27 mars, à cinq ans d’emprisonnement, pour avoir « nui à l’unité nationale, à la sécurité et la stabilité du pays », voulant ainsi le punir notamment pour ses prises de position sur le Sahara occidental. Que l’on aime ou pas ses livres, que l’on partage ou non ses idées, la réalité est simple : un écrivain est aujourd’hui en prison pour ses écrits et sa pensée. Dès lors, une seule attitude est possible : le défendre, réclamer encore et toujours sa libération, pour que vivent la liberté et le débat d’idées.
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