C’est « un terrible paradoxe » que met en lumière ATD Quart Monde : des millions de personnes sont incomprises, voire enfoncées dans la pauvreté par des organismes qui sont pourtant censés les aider, tels les Caisses d’allocations familiales (CAF), France Travail, les services d’hébergement d’urgence, l’aide sociale à l’enfance… Il est donc temps de dire « Stop à la maltraitance institutionnelle », exhorte l’association dans un rapport du même nom, rendu public jeudi 19 septembre.
Ce document, qui s’appuie sur les témoignages de personnes en situation de pauvreté et de professionnels, permet de prendre conscience d’un phénomène encore méconnu et peu combattu par les pouvoirs publics. « On subissait la maltraitance institutionnelle sans le savoir », dit l’un des contributeurs du rapport, Pierre (il s’agit d’un prénom d’emprunt), joint par téléphone.
Ce quinquagénaire, qui habite à Flers, dans l’Orne, déplore la disparition des permanences des Caisse d’allocations familiales, qui versent la plupart des prestations sociales, au profit des démarches dématérialisées, « alors que plein de monde ne sait pas allumer un ordinateur ». Il peut se rendre à la maison France service, qui regroupe plusieurs services publics, mais « c’est une pièce unique, avec deux employés et trois ordinateurs, où il y a toujours du monde : vous devez déballer votre vie, et les personnes derrière entendent tout ». Pour toucher le revenu de solidarité active (RSA) ou les aides au logement, il faut depuis plusieurs années actualiser sa situation tous les trois mois, en ligne : « En cas d’erreur, on ne peut pas corriger, juste envoyer un e-mail. Ils suspendent les versements le temps de répondre. Alors qu’en cas de trop-perçus, nous devons les rembourser immédiatement. »
« Si on se trompe, ils croient qu’on fraude, regrette encore Pierre. J’ai été contrôlé trois fois en un an : on m’a dit que mon nom avait été tiré au sort. » Ce furent ses seules rencontres avec le personnel de la CAF, tandis que les contacts humains font aussi défaut avec France Travail, qui a remplacé Pôle emploi : « Le conseiller change très souvent, et je suis obligé de faire des formations qui ne m’aident pas à trouver un poste. Elles sont payées, mais après, il faut attendre deux ou trois mois pour toucher à nouveau le RSA. » Pierre vit douloureusement la récente réforme, qui conditionne le versement du RSA à une quinzaine d’heures d’activité hebdomadaires : « On nous demande du travail gratuit, d’intérêt général, comme à ceux qui ont fait une connerie. »
Il vous reste 71.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.