L’Etat a lancé, le 27 février, « une révolution contre la violence mafieuse (…) qui a nécrosé » la Corse, selon le garde des sceaux, Gérald Darmanin. Le même jour, l’Assemblée de Corse se réunissait pour une session inédite consacrée à l’emprise mafieuse sur l’île. Le 8 mars, les deux collectifs antimafia créés en 2019 organisaient leur première manifestation à Ajaccio, derrière une banderole appelant à mettre « les assassins et les mafieux dehors ». Et même les médias se saisissent de ce sujet, après l’avoir longtemps négligé.
Cette reconnaissance de la réalité mafieuse n’a pas arrêté le décompte macabre des assassinats sur l’île, et le débat existe sur la méthode pour lutter contre le fléau. Mais un rare consensus réunit soudain les acteurs de la vie publique : oui, un pouvoir parallèle défie celui de la loi et de la démocratie. Mais ce constat partagé traduit-il pour autant une révolte antimafia de la société corse ?
Ce doute a surgi après la manifestation antimafia qui, selon la préfecture, n’a réuni que 1 500 personnes, loin des attentes. Une interrogation alimentée par l’absence dans le cortège des figures politiques de l’île, dont le chef de l’exécutif, Gilles Simeoni. Depuis, certains avocats locaux questionnent publiquement la légitimité des collectifs antimafia en soulevant les limites de leur exemplarité.
« La faute de l’Etat »
« Feu de paille ou de tourbe ? », s’interroge aussi, pour Le Monde, une source haut placée au ministère de l’intérieur. Elle veut croire à une « pente positive », estimant que « la société corse est arrivée à un niveau de saturation face à la violence », mais elle prédit « d’inévitables mouvements en arrière ». Pour la Place Beauvau, si l’usage du terme « mafia » correspond au phénomène qui enserre la Corse, il crée chez les élus un rejet face à ce qu’ils ressentent comme une « stigmatisation ».
Gilles Simeoni a invoqué des « raisons familiales » pour expliquer son absence le 8 mars. Mais, le lendemain, lors d’une réunion publique, il commentait l’engagement de l’Etat contre la mafia en insistant sur le danger de mesures « liberticides ». Une ligne proche de celle des groupes politiques de l’Assemblée de Corse, lors de la session du 27 février, pour qui la dérive mafieuse est avant tout « la faute de l’Etat » trop occupé à faire la chasse aux nationalistes.
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