Le tango que jouent Emmanuel Macron et la droite depuis 2017 se déploie dans un nouveau mouvement, avec la nomination de Michel Barnier à Matignon. Le président de la République s’est employé avec constance à affaiblir le parti Les Républicains (LR), afin d’absorber son électorat, tout en ayant besoin de ses élus pour faire passer ses textes au Parlement. Mais il n’a jamais fait le moindre geste en faveur d’une coalition qu’au fond il ne souhaitait pas vraiment, non désireux de partager son pouvoir avec « un parti qui a fait 4 % à la présidentielle ». La dissolution déclenchée le 9 juin l’a finalement contraint – et vice versa – à faire un « deal » avec la droite.
Jeudi 5 septembre, Emmanuel Macron a expliqué par téléphone à l’ex-socialiste Bernard Cazeneuve que les « propres amis » de ce dernier avaient saboté la possibilité de sa nomination avec un « soin attentif ». En réalité, le chef de l’Etat n’a jamais voulu prendre le risque de voir son bilan détricoté, alors que l’ancien premier ministre de François Hollande, qui aurait été sous pression du Nouveau Front populaire à l’Assemblée, avait prévenu qu’il ne serait pas « un premier ministre de gauche menant une politique de droite ». Or, si M. Macron veut bien reconnaître du bout des lèvres qu’il a perdu les élections, il n’a pas l’intention pour autant de changer de politique, lui qui répète que « personne n’a gagné » lors des législatives.
Sur le fond, les convergences avec la droite sont bien plus grandes qu’avec la gauche. Soucieux des comptes publics, Michel Barnier s’était même dit favorable à la retraite à 65 ans pendant la primaire LR, à l’automne 2021. Décrit dans les couloirs de LR comme un « macroniste déçu », il avait d’ailleurs déjà été pressenti pour rejoindre Matignon, en 2020. Depuis, l’ancien négociateur du Brexit est resté en contact avec le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, poussant ses intérêts auprès de ce puissant allié, qui a pesé de tout son poids pour sa nomination, orthodoxe et rassurante à ses yeux.
Revanche de la droite
Depuis l’annonce officielle, l’Elysée, qui récuse le mot « cohabitation », lui préférant ceux de « coexistence » ou de « coopération exigeante », s’emploie à mettre en scène un supposé lâcher-prise du président de la République, actant notamment la fin des conseillers partagés entre l’Elysée et Matignon. Mais en nommant Michel Barnier, réputé calme et courtois et qui n’a jamais été une figure flamboyante de la droite, Emmanuel Macron espère bien garder la main et l’ascendant.
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