Confronté au cas inédit d’adapter une peine capitale, laquelle est abolie en France depuis 1981, le tribunal de Pontoise (Val-d’Oise) a commué, mercredi 12 février, en trente années de réclusion criminelle la condamnation à mort, décidée en Indonésie, de Serge Atlaoui, transféré en France la semaine dernière.
« L’incrimination attendue trouve son équivalent en droit français dans la production et la fabrication de stupéfiants en bande organisée en faisant encourir à son encontre trente ans de réclusion », a statué le tribunal après une vingtaine de minutes de délibéré. Une victoire pour la défense de M. Atlaoui, qui plaidait pour éviter la peine de réclusion criminelle à perpétuité, qui « est parfaitement disproportionnée au regard des faits commis par Serge Atlaoui », avait défendu son avocat, Mᵉ Richard Sédillot.
« C’est le début de la fin », s’est réjouie sa femme, Sabine Atlaoui. « C’est un premier succès, un premier pas vers la liberté », a déclaré Mᵉ Sédillot, décrivant son client comme « soulagé » par la décision judiciaire française. Ses soutiens devraient désormais déposer dans les semaines à venir des demandes d’aménagement de peine et de grâce présidentielle.
Le tribunal correctionnel de Pontoise, compétent pour la prison d’Osny, dans laquelle a été incarcéré le sexagénaire depuis son transfert il y a une semaine, devait adapter la situation carcérale de cet artisan-soudeur de Metz, en prison depuis son arrestation en 2005 en Indonésie. « Il a été condamné dans un autre pays à la peine capitale, qui n’existe plus chez nous. Nous n’avons eu jusqu’ici aucun transfèrement de condamné à mort en France », avait rappelé la représentante du parquet de Pontoise, dès l’introduction de son réquisitoire.
Un cas « aux confins du code de procédure pénale »
Serge Atlaoui avait été arrêté en 2005 dans une usine près de Jakarta où des dizaines de kilos de drogue avaient été découverts, et les autorités l’avaient accusé d’être un « chimiste ». Le Français s’est toujours défendu d’être un trafiquant de drogue, affirmant qu’il n’avait fait qu’installer des machines industrielles dans ce qu’il croyait être une usine d’acrylique. Initialement condamné à la prison à vie, il avait vu la Cour suprême indonésienne alourdir la sentence et le condamner à la peine capitale en appel en 2007.
Lorsqu’une peine prononcée à l’étranger est plus sévère qu’elle ne le serait en France, le tribunal correctionnel du lieu de détention « lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable », selon le code de procédure pénale. La peine de mort étant la plus haute peine possible, il faut lui substituer celle qui est la plus « rigoureuse » dans la législation française, estime le parquet.
Au regard du code pénal et de la jurisprudence de la Cour de cassation, « le parquet considère que la seule possibilité de peine la plus proche de la peine de mort est celle de la réclusion criminelle à perpétuité », avait requis la procureure à l’audience. « La peine de réclusion criminelle à perpétuité est parfaitement disproportionnée au regard des faits commis par Serge Atlaoui », avait, de son côté, plaidé l’avocat de Serge Atlaoui, rappelant que les peines en France se basent sur les principes de proportionnalité et de personnalisation.
La justice française n’est pas compétente sur le fond de l’affaire, définitivement jugée en Indonésie, et peut se prononcer seulement sur la peine de Serge Atlaoui. « Pour ne pas obérer la capacité diplomatique de l’Etat français à obtenir le transfèrement de ses nationaux, il faut que l’autorité judiciaire se cantonne à ce rôle », avait estimé le ministère public, reconnaissant se trouver dans un cas « aux confins du code de procédure pénale ».