FRANCE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Ils sont trente-huit petits, âgés de quelques mois à 6 ans, confiés par l’Aide sociale à l’enfance à La Pouponnière de Caen, un foyer d’accueil d’urgence pour enfants en difficulté ou en danger. De jour comme de nuit, une équipe pluridisciplinaire, comptant des éducateurs, des infirmières et des auxiliaires en puériculture, ainsi que des médecins et des psychologues, s’occupe de ses protégés et de leur entourage.
C’est sur une berceuse que s’ouvre le programme. Une responsable du centre tente d’apaiser Tom. Le petit réclame : « La veilleuse, la tétine. » S’endormir dans la douceur, c’est quelque chose qu’il ne connaît pas vraiment. Dans sa chaise haute, filmé de dos, Tom joue, on ne connaît pas son âge exact, il doit avoir environ 3 ans. « Il va falloir qu’on trouve comment lui expliquer que la juge pour enfants, son travail, c’est de les protéger. Elle était [tellement] inquiète pour lui et Nina [la mère de Tom], quand elle a su que le papa avait menacé toute la famille avec le fusil, avec le couteau, qu’elle nous a demandé de l’accueillir pour prendre soin de lui », raconte une auxiliaire à ses collègues.
On apprend que Nina a déposé une plainte pour violences répétées et menaces. Un soir, son mari, alcoolisé, tire en l’air à plusieurs reprises et lui met le canon de l’arme sur la tempe, devant l’enfant : « [Tom] joue souvent à faire semblant d’avoir des pistolets ou des fusils. Quand on lui parle, c’est difficile, et il a du mal à entendre. Les bébés qui pleurent, ça l’insécurise, il a de gros troubles de l’attachement, ce petit loup. »
Violences multiples et précarité
Les travailleurs sociaux et les soignants du centre sont là pour expliquer, pour sécuriser, comme ils le peuvent, des êtres traumatisés, qui ne savent pas encore nécessairement mettre en mots ce qu’ils ont vécu ou vu, à un âge ou la violence n’est pas encore censée avoir fait irruption dans leur existence.
Victoria a déjà passé quelque temps au refuge. Aux images d’un bain, donné avec tendresse, se juxtapose une réunion entre éducateurs et responsables du centre : « L’audience d’hier a statué sur une levée du placement. La juge a bien précisé que nous, le foyer Pouponnière, souhaitions le maintien du placement. On a l’obligation de la laisser partir, est-ce qu’on la ramène au domicile parental à 18 h 30 ? »
Les regards sont voilés, circonspects : « Il n’y a eu aucune vérification au domicile, sachant que les parents ont reconnu l’insalubrité de leur logement ! De leur propre hygiène, pas vraiment en revanche ». On sent que la vocation du personnel de prendre soin des plus fragiles se heurte aux aléas des désirs parentaux, même s’il se soumet aux décisions judiciaires : « On est inquiets pour elle, dans cette situation. Après… on n’est pas juges », concluent les soignants avec un semblant de fatalité. Les violences sont multiples, la précarité en est une.
Ce documentaire met l’accent sur le dévouement de ceux qui œuvrent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à s’occuper des plus vulnérables. Sollicitude, importance de l’anonymat pour la sécurité de chacun, il rappelle que tous ne sont pas nécessairement égaux quant aux circonstances de la naissance. Que l’attention et le soin portés aux petits, ce ne sont pas eux qui les choisissent, et que leurs histoires, encore balbutiantes, doivent être racontées.
La Pouponnière, de Julie Lerat-Gersant (Fr. 2024, 51 minutes). Sur FranceTV jusqu’au 10 septembre.