Les miracles existent. C’est la pensée qui a traversé Laure Aillagon un beau jour de juin 2016. Alors qu’elle vient d’être nommée directrice du patrimoine de Givenchy, elle reçoit un coup de téléphone d’une femme qui se présente comme la propriétaire d’un appartement au 8, rue Alfred-de-Vigny, dans le 8e arrondissement de Paris, où Hubert de Givenchy a fondé sa maison, en 1951. « On est en pleins travaux, et, entre deux cloisons, on a trouvé des dossiers qui pourraient vous intéresser. Vous avez vingt-quatre heures pour venir les chercher, ensuite je m’en débarrasse », lui déclare-t-elle. Laure Aillagon arrive aussitôt, et récupère plusieurs gros sacs en plastique noir, de ceux qui servent à emballer les déchets.
Une fois rentrée dans les bureaux de Givenchy, situés non loin, avenue George-V, Laure Aillagon commence son travail de fouille. Au milieu des gravats et de la poussière, elle découvre des dizaines d’enveloppes kraft rebondies. A l’intérieur, des patrons, ces représentations à plat et à taille réelle des éléments constitutifs du vêtement, taillés dans une toile blanche, à l’époque. Ils sont en piteux état, mais elle se rend vite compte qu’ils sont très anciens et, surtout, encore exploitables. Elle appelle alors le musée de la mode parisien, le Palais Galliera, dont trois personnes arrivent en renfort pour analyser les pièces. Le verdict tombe : « Attention, c’est un trésor. »
Tout à son excitation, Laure Aillagon contacte Hubert de Givenchy, alors âgé de 89 ans, pour lui faire part de sa trouvaille. Il est ému, bien sûr. Mais pour remettre en état ces 112 patrons, dont certains comportent des échantillons de tissu, les noms des modèles et des mannequins à qui ils sont destinés, il faudra des mois de travail à deux équipes de restaurateurs. Le fondateur s’éteint le 10 mars 2018, sans avoir revu ces pièces qu’il avait conçues à la naissance de sa maison.
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