Retraites et dette. Le débat politique français de ces trente dernières années tient presque tout entier dans ces deux thématiques. Jusqu’à l’écœurement. D’où vient cet impossible dépassement ? De 1945 ! Du moment (formidable) qui a vu naître la configuration socio-économique de la fin du XXe siècle : retraite, « Sécu », protection sociale, organisation de l’Etat, dans une société de l’ascenseur social, de la certitude que nos enfants vivront mieux, de la croissance et des taux d’intérêt faibles.
Surtout, ce fut le temps de la confiance dans l’inéluctable progrès… aux dépens de toutes les limites planétaires. La retraite par répartition et la dette sont des pièces majeures de ce puzzle gagé sur le progrès : deux paris d’avenir, en somme, dans la certitude de l’amélioration.
Gloire au Conseil national de la Résistance [CNR], c’est évident ! Pourtant, nos vies sont en 2025, on regarde vers 2050, et nos systèmes, notre débat public, nos catégories d’action sont restées en 1945, consacrés exclusivement à la gestion d’un héritage aimanté par un temps qui n’est plus.
La politique fantasme le retour de la croissance économique faute d’autres catégories. Elle veut conserver ou démanteler les acquis sociaux, renvoyant systématiquement au schéma du CNR comme mètre étalon. Elle se coule dans les réflexes de cette période, rêvant de plans Marshall pour ceci ou cela. Nous vivons un interminable 1945, enfermés dehors dans un siècle qui a fini. Alors tout paraît déjà vu et entendu, déjà fané avant même de recommencer. Tout, jusqu’au futur projeté dans ce cadre clos, nous semble déjà obsolète.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en quelques années, l’anthropocène a rendu archaïque tout le corpus de l’après-guerre. Dans le temps de l’anthropocène, la conviction majoritaire est que nous allons vers des temps sombres. Le futur est devenu une dystopie (Donald Trump est revenu, la guerre aussi, et + 4 °C à la fin du siècle…). De promesse, le futur est devenu une sorte de pollution qui s’écoule d’ores et déjà dans le présent et fait chavirer nos grands récits.
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