Un rapport de force se met en place entre l’OTAN et la Russie. Il concerne la souveraineté des pays européens membres de l’Alliance atlantique qui ont vu se multiplier dans leur ciel des incursions depuis celles, restées inexpliquées pour l’instant, d’une vingtaine de drones en Pologne, au début du mois. Tour à tour, la Roumanie, l’Estonie et le Danemark en ont été la cible, qu’il s’agisse de drones non identifiés ou d’avions de combat russes. Cette série de violations met évidemment en cause la Russie, en dépit des dénégations de Moscou.
Signe que la persistance de ce qui s’apparente à un test de la détermination de l’OTAN a déjà des effets concrets sur la sécurité européenne, Copenhague, visé par les vols de drones d’origine indéterminée à proximité d’aéroports et de sites militaires, a décidé d’interdire tous vols de ce type d’aéronefs cette semaine dans la perspective du sommet des dirigeants de l’Union européenne, prévu le 1er et le 2 octobre.
Souvent critiquée, à juste titre, pour sa lenteur et son indécision, l’OTAN tente d’apporter une réponse à la hauteur d’un défi qui a mis en évidence son impréparation face à la menace « low cost » constituée par l’utilisation de drones bon marché. Cette menace s’inscrit parfaitement dans la guerre hybride alimentée par la Russie en contrepoint à un pilonnage incessant de l’Ukraine, qui depuis longtemps ne fait plus la différence entre objectifs militaires et cibles civiles.
Sans aller jusqu’à faire un modèle du précédent de 2015, lorsqu’un F-16 turc avait abattu un Su-24 russe, tuant son pilote, après que l’avion avait pénétré dans l’espace aérien turc, l’OTAN a révisé ses règles d’engagement. Alexus Grynkewich, le nouveau général américain à la tête des forces alliées de l’OTAN, a ainsi fait savoir dans ces colonnes que tout pays qui se sentirait agressé pourrait décider seul de la riposte appropriée, ouvrant la voie à la possibilité d’abattre un chasseur russe ayant pénétré dans un espace aérien européen.
Cette détermination de l’OTAN, également manifestée par la volonté de répondre au défi des drones en s’appuyant sur l’expérience acquise dans des conditions dramatiques par l’Ukraine, a été communiquée directement auprès de la Russie. L’Alliance a tout intérêt de rester imprécise, pour rehausser sa dissuasion en évitant tout ce qui pourrait enclencher mécaniquement une surenchère périlleuse. Il reste à savoir si le message convoyé, ce « cran » supplémentaire appelé de ses vœux par exemple par Emmanuel Macron, peut produire les effets recherchés sur Moscou, dont les attaques sur les villes ukrainiennes ont gagné en intensité ces dernières semaines et qui entend manifestement signaler aux alliés européens de Kiev que le renforcement de leur soutien aura un prix.
Cet effort sera d’autant plus productif que l’Alliance parlera d’une même voix. Après avoir initialement relativisé ces incursions russes, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a répondu par l’affirmative à la question de savoir si les pays européens membres de l’OTAN devraient abattre tout appareil russe pénétrant dans leur espace aérien, tout en donnant des signes d’hésitation lorsqu’il lui a été demandé si les Etats-Unis soutiendraient l’OTAN dans un tel cas. Nul doute que toute tergiversation et toute cacophonie seraient interprétées par la Russie comme un signe de faiblesse.