Dans une lettre adressée aux magistrats, le nouveau garde des sceaux propose d’engager « immédiatement » une concertation en vue de créer une procédure de plaider coupable en matière criminelle, mais aussi de rétablir les peines planchers qui avaient existé entre 2007 et 2014, pudiquement appelées ici « seuils minimaux ».
A cela s’ajoutent diverses propositions, manifestement destinées à faire le « buzz », dont le fait de faire payer les frais de l’enquête au condamné. On ne s’intéressera ici qu’aux deux premières, qui rabotent l’indépendance de la justice.
Une des premières lois du quinquennat Sarkozy (du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive) avait interdit au juge de descendre au-dessous d’un certain montant de peine, sauf s’il prenait le soin de motiver spécialement sa décision – sachant qu’en pratique, ployant sous les dossiers, il n’en a guère le temps.
Une loi du 14 mars 2011 (d’orientation et de programmation pour le renforcement de la sécurité intérieure [Loppsi 2], le mot justice n’y figurant même pas) est allée encore plus loin, en permettant d’appliquer ces peines planchers en l’absence même de récidive. Ce système n’a pas montré son efficacité (aucune baisse de la récidive ne fut observée) et fut après étude abandonné par une loi du 15 août 2014. Il a seulement fait augmenter la durée moyenne d’emprisonnement, aggravant ainsi l’engorgement des prisons.
Comme dans maints Etats des Etats-Unis
La leçon de l’expérience n’a manifestement pas porté, puisque M. Darmanin propose de les rétablir, y compris en l’absence de récidive et cette fois plus seulement pour les infractions les plus graves, mais aussi pour la délinquance du quotidien.
Si elle se combinait avec la proposition de loi déposée par M. Attal (qui tendrait à n’appliquer qu’à titre exceptionnel l’excuse de minorité, laquelle permet une peine moins lourde pour les mineurs de 16 à 18 ans), cette résurrection des peines planchers pourrait donc frapper des adolescents. En pratique, le gouvernement propose de priver les juges d’une partie centrale de leur pouvoir : la loi déciderait à leur place, comme dans maints Etats des Etats-Unis. C’est inquiétant sur le plan des principes, puisque l’article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle.
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