« Ils ont des fringues pour femmes maintenant ? » Dans la nouvelle boutique lilloise de Celio, au milieu des mannequins féminins vêtues de pantalons et chemises unis aux couleurs pastel, Clémence, 18, ans pose la question à son copain Valentin, qu’elle est venue « rhabiller pour la rentrée ». En shoppeuse aguerrie, la jeune fille (qui n’a pas donné son nom) a remarqué cette entrée inédite de Celio sur le marché du prêt-à-porter féminin sous un intitulé qui ne lui dit rien, mais qui renaît après une fin traumatique et un gâchis social : Camaïeu.
Racheté aux enchères en décembre 2022 par Celio pour 1,8 million d’euros, le nom de l’ancienne entreprise nordiste, liquidée en octobre de la même année, sigle désormais les articles féminins vendus par l’enseigne d’habillement masculin. La première de ces boutiques « mixtes » a été inaugurée, jeudi 29 août, dans la galerie commerciale Westfield de Lille par les patrons de Celio. Mais Camaïeu apparaît de manière discrète. Hormis un néon « Be Camaïeu » suivi d’un astérisque jouxtant le slogan « Be normal » de Celio au-dessus de l’entrée du magasin, rien n’annonce le retour de la marque.
Vingt-deux mois plus tôt, la disparition de l’enseigne, – 511 magasins fermés en France, 2 600 employés licenciés – avait provoqué un émoi considérable. Et pour la plupart des ex-salariés, cette « renaissance » ravive de bien mauvais souvenirs. « Je ne me réjouis pas du tout. Sur les 150 personnes avec qui je travaillais à l’entrepôt de Roubaix [Nord], il y en a toujours une centaine qui n’ont pas retrouvé de boulot », témoigne une ancienne employée du service logistique, restée trente ans chez Camaïeu.
« Parlons plutôt de l’avenir »
Elle souhaite rester anonyme « pour ne pas avoir de soucis » avec l’entreprise dans laquelle elle a retrouvé du travail, et n’imagine pas un seul instant franchir un jour la porte d’un magasin Celio pour s’habiller chez Be Camaïeu. « On va boycotter. La marque c’est nous, c’est pas eux. » La décision a été prise sur le groupe WhatsApp des anciens employés avec qui elle est restée en contact.
« Parlons plutôt de l’avenir », a proposé Marc Grosman lors de l’ouverture du nouveau magasin Celio-Camaïeu. Cofondateur de l’enseigne Celio avec son frère Laurent, Marc Grosman a investi entre 15 millions et 20 millions d’euros pour offrir des articles féminins Camaïeu dans ses magasins. Douze en France à ce jour – neufs ou agrandis pour l’occasion. Une centaine d’employés a été embauchée, dont dix anciens de Camaïeu.
Dans la tête des frères Grosman (présents dans le palmarès des 500 plus grosses fortunes de France établi par le magazine Challenges), racheter la griffe Camaïeu répondait à un objectif bien précis : élargir l’offre et concurrencer ainsi les grands noms internationaux du prêt-à-porter.
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