Maintenir le cap européen et le soutien à Kiev, ou se tourner vers l’extrême droite : la Roumanie vote, dimanche 18 mai, pour élire son président, cinq mois après la spectaculaire annulation d’un scrutin entaché de soupçons d’ingérence russe.
Le chef du parti nationaliste Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), George Simion, 38 ans, et le maire centriste de Bucarest, Nicusor Dan, 55 ans, s’affrontent pour décrocher le poste suprême, doté du pouvoir de nommer à des postes-clés et de participer aux sommets de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN. Le premier, un souverainiste fervent admirateur de Donald Trump, a largement dominé le premier tour avec un score de près de 41 %, le double de son rival, mais les sondages, pas toujours fiables par le passé, les placent désormais au coude-à-coude.
L’élection est surveillée de près par la communauté internationale, Bruxelles s’inquiétant de voir les rangs des dirigeants d’extrême droite s’étoffer, et Washington, très critique du fiasco du scrutin de l’automne 2024, appelant à respecter la voix du peuple.
Dimanche, Pavel Durov, le fondateur de Telegram, a accusé la France d’avoir cherché à « censurer des voix conservatrices » en Roumanie – ce que le Quai d’Orsay a vivement démenti. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères roumain a, ensuite, dénoncé une « campagne virale de fausses informations » sur les réseaux sociaux, notamment Telegram, visant à « influencer le processus électoral » et portant « une nouvelle fois les marques d’une ingérence russe ».
Le message de Pavel Durov, envoyé aux internautes en pleine journée électorale, a fait réagir les deux camps. M. Simion, qui s’en était pris avec virulence au président français, Emmanuel Macron, plus tôt cette semaine, l’a aussitôt partagé, tandis que son adversaire s’est offusqué d’une « tentative manifeste d’influencer le résultat » du scrutin.
Détracteur des « politiques absurdes de l’UE »
Membre loyal de l’UE, la Roumanie, une nation de 19 millions d’habitants voisine de l’Ukraine, est devenue un pilier essentiel de l’OTAN depuis le début de l’offensive russe en 2022. George Simion veut mettre un terme à l’aide militaire à l’Ukraine : il exige une « compensation financière » pour l’assistance fournie jusqu’à présent et prône « la neutralité », tout en se défendant d’être « l’ami de Vladimir Poutine ».
Ancien hooligan ayant cherché à lisser son discours ces derniers mois, M. Simion se dit persuadé qu’il sera « le prochain président de la Roumanie ». Sauf en cas de « fraudes massives », a-t-il averti, ouvrant la voie à une contestation en cas de défaite. Ce détracteur des « politiques absurdes de l’UE » pourrait cependant pâtir d’une série de faux pas dans l’entre-deux-tours, entre « agressivité » et absence à de nombreux débats, selon les analystes.
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Son adversaire, un mathématicien de formation, espère, quant à lui, un sursaut des abstentionnistes, après un premier tour marqué par un taux de participation de seulement 53 %. Les sondages de sortie des urnes seront publiés peu après la fermeture des bureaux de vote, à 21 heures (20 heures à Paris) et les résultats devraient parvenir dans la nuit.
« Contre les injustices » et « humiliations dont nos sœurs et frères ont été victimes, contre ceux qui nous méprisent tous » et « pour que notre avenir soit décidé uniquement par et pour les Roumains » : son message, répété dimanche quand il a voté à Mogosoaia, près de la capitale, séduit de nombreux électeurs, las d’être considérés comme des citoyens de seconde zone dans l’UE.
Il s’est de nouveau affiché avec Calin Georgescu, celui qui avait créé la surprise en terminant en tête du scrutin du 24 novembre 2024 après une campagne d’ampleur sur TikTok dont le mode opératoire pointait vers la Russie. Cet ancien haut fonctionnaire a, depuis, été inculpé et exclu de cette nouvelle course, une décision qui a provoqué des manifestations parfois violentes. George Simion est, lui aussi, très présent sur les réseaux sociaux, rouvrant dimanche ses comptes Facebook et TikTok, temporairement fermés la veille pour « une journée de silence ».
L’extrême droite roumaine capitalise sur une population frustrée, notamment dans les campagnes, face aux « politiciens voleurs », au pouvoir depuis 1989 et en colère du fait des difficultés économiques d’un des pays les plus pauvres de l’UE.