A Gaza, une distribution d’aide humanitaire s’est achevée une nouvelle fois dans le sang, mardi 3 juin. Comme deux jours auparavant. Les Palestiniens ont mis en cause des tirs de l’armée israélienne. Celle-ci a justifié son acte en assurant avoir visé des personnes « suspectes » dans un mouvement de foule le long des routes conduisant à un point de distribution. Se déclarer satisfait de ces opérations comme l’a fait le département d’Etat, à Washington, alors qu’elles ont causé mardi la mort de 27 personnes, se passe de commentaire.
Cette nouvelle tragédie ne surprendra personne. Les organisations internationales spécialisées dans les situations d’urgence présentes à Gaza se sont gardées d’être associées à ces opérations, précisément parce qu’elles redoutaient de tels drames, dans un territoire, privé de tout, qui ne les compte plus depuis vingt mois.
Après huit semaines de blocus humanitaire total et avec une reprise très insuffisante de livraisons du strict nécessaire dans un petit nombre de points de distribution, tous situés dans le sud de l’étroite bande de terre, ces morts étaient inévitables. En décidant de transformer, avec le soutien des Etats-Unis, par le truchement d’une fondation créée pour la circonstance – la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) –, la distribution d’aide en moyen de contrôle et potentiellement de pression sur les Palestiniens, les autorités israéliennes ne violent pas seulement les principes d’humanité, d’impartialité et de neutralité sur lesquels est fondé le droit humanitaire international. Cette militarisation de l’aide, au nom de la lutte contre le Hamas, qui, selon le gouvernement israélien, la détournerait à son profit, est la garantie de catastrophes à répétition.
Depuis l’annonce de la mise en place du dispositif, les démissions se sont d’ailleurs succédé à la tête de la fondation en question. La firme américaine de consultants qui a élaboré un système ubuesque reposant sur des vérifications biométriques et la reconnaissance faciale s’en est également retirée. La nomination dans la précipitation, le 3 juin, pour diriger GHF, d’un pasteur évangélique qui avait ouvertement soutenu la reconnaissance par Donald Trump, lors de son premier mandat, d’une souveraineté exclusive d’Israël sur Jérusalem, partie orientale comprise, ne fait que confirmer les craintes d’instrumentalisation d’une crise humanitaire fabriquée par Israël.
Les devoirs d’une puissance occupante
Après l’interdiction d’accès au territoire de la presse internationale, le contournement d’acteurs extérieurs comme les agences des Nations unies, pourtant irremplaçables dans de telles situations, confirme la volonté des autorités israéliennes de réoccuper le moindre espace de Gaza, à l’abri des regards. Là est leur vraie priorité, et non pas l’acheminement d’une aide suffisante pour plus de 2 millions de personnes qui survivent, vaille que vaille, sous les bombes dans un territoire coupé du monde. Cet approvisionnement relève pourtant de leurs devoirs de puissance occupante.
Les scènes de chaos qui ont entouré jusqu’à présent ces distributions d’aide confirment une évidence : seul un cessez-le-feu durable, accompagné de la libération des derniers otages israéliens capturés lors de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, permettra d’extraire la population de Gaza de l’état d’urgence dans lequel elle se trouve. Cette guerre, relancée unilatéralement par Benyamin Nétanyahou en mars, et dans laquelle Israël se perd, doit cesser au plus vite.